La chaleur, une épreuve de plus pour les pilotes
Retour

La chaleur, une épreuve de plus pour les pilotes

Il devrait faire grand beau durant tout le week-end des 24 Heures du Mans, et même très chaud : la météo annonce 30°C ! Une bonne nouvelle pour les spectateurs et un élément de plus à prendre en considération pour les pilotes, même si, depuis 2007, les voitures sont climatisées.

Arrivée des 24 Heures du Mans 1978. Didier Pironi l'emporte au volant de la Renault Alpine A 442 B #2. On lui a demandé d'assurer les deux derniers relais et, ce jour-là, il fait très chaud. L’habitacle de l’Alpine est couvert d’une bulle en plexiglas, si bien que la température intérieure est difficilement supportable. Didier Pironi fait un malaise au moment où il se présente à la direction de course. Un médecin, présent sur place, ouvre immédiatement sa combinaison et couvre le pilote de glace.

Jacky Ickx, qui a « chassé » l’Alpine avec sa Porsche 936, termine avec cinq tours de retard sur Pironi et Jean-Pierre Jaussaud. Pas d’évanouissement pour lui, mais il a passé quatorze heures au volant et perdu six kilos !

Le scénario des 24 Heures est un peu le même en 1991, du moins après la ligne d’arrivée. Johnny Herbert s’impose au volant de la Mazda 787 B #55 qu’il partage avec Volker Weidler et Bertrand Gachot. Il a deux tours d’avance sur la Jaguar XJR 12 de Davy Jones, Raul Boesel et Michel Ferté. Mais Herbert n’a pas l’occasion de savourer sa victoire : il s’évanouit sitôt la ligne d’arrivée franchie, victime de déshydratation, et prend la destination de l’infirmerie plutôt que du podium ! Herbert, dont l’estomac était particulièrement sensible durant les courses, n’avait pas mangé non plus. Le Britannique a donc cette particularité d’avoir remporté les 24 Heures du Mans… sans en avoir soulevé le trophée ! Une frustration effacée en 2011, à l'occasion de l'anniversaire de la seule voiture japonaise victorieuse au Mans. Vingt ans après son parcours héroïque, Johnny Herbert a refait un tout de piste au volant de sa Mazda et savouré une remise des prix organisée rien que pour lui !

Quand la température est caniculaire durant la course, les pilotes sont refroidis par des seaux de glaçons renversés dans leur baquet lors des arrêts au stand. La méthode est pour le moins artisanale…

En 2005, la température atteint 80°C dans l’habitacle des voitures fermées. Stéphane Sarrazin, qui prendra le départ samedi avec la Toyota #7 en LMP1, en garde un terrible souvenir : « Je pilotais l’Aston Martin DBR9, avec le moteur à l’avant. J’avais l’impression de fondre, c’était inhumain. Vous ne pouvez pas réaliser quand on vous le raconte, il faut l’avoir vécu. Lorsque j’ai passé le volant, mon équipe m’a porté dans le camion climatisé et m’a mis directement dans un bassin d’eau froide. Mais au bout d’une demi-heure, on est venu me chercher pour que je retourne en piste ! Darren Turner, qui roulait, était sur le point de se trouver mal et David Brabham ne pouvait pas le remplacer car il avait eu les pieds brûlés par les pédales ! J’ai terminé la course dans ces conditions terribles et c’est le pire souvenir de ma carrière. » L’Aston Martin de Sarrazin termine 9e cette année-là. Romain Dumas, engagé en 2017 sur l’Alpine A470 #36, a connu le même genre de mésaventure : « En 2005, j’étais avec Sébastien Dumez sur une Porsche. Il a été malade dès la première heure car il faisait plus de 60°C à l’intérieur. Lorsqu’on sortait de la voiture, on mettait les pieds dans la glace. »

"On perd deux litres et demi d’eau au premier relais !"
M. Beche

Suite à cette brûlante édition 2005, l’ACO réagit et les 24 Heures du Mans sont la première course à imposer la climatisation des voitures dès 2007. Le poids des voitures est relevé de 25 kg pour compenser ce nouvel équipement obligatoire.

Le règlement technique en vigueur en 2017 impose, dans les catégories LMGTE et LMP2, la présence d’un système de climatisation obligatoire. Concernant les LMP1, il indique dans son article 16.8 qu’ils doivent être pourvus d’un « système efficace de ventilation naturelle ou forcée et/ou de climatisation ». Les Prototypes et les GT sont tous équipés d’un capteur de température qui doit être placé à hauteur du casque du pilote et au centre de la voiture. 

Les constructeurs auraient bien sûr pu installer des climatisations et extracteurs d’air avant que cela soit obligatoire, mais ils y rechignaient pour plusieurs raisons, expliquées par Frédéric Makowiecki, pilote de la Porsche 911 RSR #91 en LMGTE Pro : « La climatisation est entraînée par le moteur. Elle fait donc perdre cinq à six chevaux, soit trois ou quatre dixièmes de secondes au tour. » Mathias Beche, de la Vaillante Rebellion #13, ajoute : « Les systèmes de climatisation représentent des composants électroniques en plus et peuvent ainsi impacter la fiabilité de la voiture. On l’utilise donc le moins possible. Quand on parle de clim, ce n’est pas pour descendre jusqu'à 20°C dans la voiture, mais pour maintenir une température raisonnable. » Le pilote de 30 ans redoute particulièrement la chaleur : « Quand il fait très chaud, on perd deux litres et demi d’eau au premier relais, qu’on arrive à récupérer ensuite en buvant. Mais au relais suivant, on en perd trois et comme on va dormir un peu, on ne les récupère pas entièrement. Et ainsi de suite. On ne peut pas tout compenser. Chez certains, la déshydratation provoque des crampes. Je suis plutôt sujet aux nausées, qui m’empêchent de boire. A Dubaï, en janvier, j’ai dû être placé sous perfusion après la course. »

Des combinaisons et casques « réfrigérés » existent, intégrant une circulation d’eau, mais sont peu prisés par les pilotes d’endurance. Ils s’entraînent en revanche pour résister physiquement à la chaleur. On sait Stéphane Sarrazin, qui vit dans le Sud de la France, adepte des sorties à vélo. « Je roule quand le soleil est le plus chaud, vers 14 heures, et sans beaucoup boire. Donc je supporte très bien la chaleur, et cela peut être un atout face à mes adversaires ! » Le soleil n’a qu’à bien se tenir.

Photo (PORSCHE) : Contrairement à Didier Pironi et Johnny Herbert dans un passé récent, les pilotes sont désormais mieux armés pour faire face à la chaleur, avec notamment des climatisations dans les voitures.

Partenaire Majeur

Partenaires premium

Partenaires officiels

Tous les partenaires