Attaque maximum : la folle histoire du record de la piste
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Attaque maximum : la folle histoire du record de la piste

Comme son nom l’indique, la course des 24 Heures du Mans dure une journée complète. Une journée de bataille acharnée, de lutte contre la météo, contre les déboires mécaniques, aussi. À cette échelle, réaliser la pole position pour partir quelques mètres devant ses adversaires ne semble pas représenter un avantage si important. Et pourtant, à travers les âges, certains se sont fait une spécialité de cet exercice si particulier.

Dans l’ordre des numéros

La chasse à la pole position, et donc, au record de la piste, a mis assez longtemps à émerger. Avant 1963, l’ordre de départ était défini par la cylindrée des voitures. Ceux dotés des plus gros moteurs, auxquels étaient attribués les plus petits numéros, bénéficiaient des meilleures places. Cet ordre décroissant était respecté afin que les véhicules les moins puissants ne gênent pas les favoris dès l’entame, et vice-versa.

Les essais servaient avant tout à tester, sans nécessairement chercher à pousser au maximum. Entre 1923 et 1939, c’est surtout le record du tour en course qui intéresse journaux et compétiteurs. Mais cela est souvent éclipsé par la distance parcourue en 24 heures, reprise par les constructeurs dans les publicités. À l’époque, l’ACO désirait davantage mettre à l’épreuve l’endurance des voitures plutôt que leur vitesse intrinsèque.

Seuls, les chevaux ne suffisent pas

Il faut réunir trois paramètres primordiaux pour espérer réaliser un tour d’anthologie. Premièrement, un règlement avantageux, qui offre la possibilité aux véhicules d’exprimer leur pleine puissance. Cela n’a pas toujours été le cas, car d’autres objectifs ont aussi été désirés par l’ACO – la réduction des coûts ou baisse de la consommation – et ceux-ci ralentissent généralement les voitures de pointe. Deuxièmement, un circuit optimal. Cela n’est plus une préoccupation de nos jours, mais en 1923, la piste était longue et jonchée de graviers, tandis qu’elle était constituée d’un très beau bitume en 1939. Les progrès en matière de revêtements réalisés par l’Automobile Club de l’Ouest ont permis une fulgurante amélioration du record du tour sur cette période.

La vitesse sur un seul tour n'était pas la préoccupation principale d'André Rossignol et Robert Bloch, vainqueurs des 24 Heures du Mans 1926 sur Lorraine-Dietrich.
La vitesse sur un seul tour n'était pas la préoccupation principale d'André Rossignol et Robert Bloch, vainqueurs des 24 Heures du Mans 1926 sur Lorraine-Dietrich.

Enfin, le dernier paramètre n’est autre que les pneumatiques. C’est le composant, qui, sur une voiture, joue le plus grand rôle quant à la performance. La pression, le mélange ou la carcasse sont autant d’éléments qui peuvent faire gagner ou perdre des secondes entières sur un tour aux meilleurs prototypes. C’est au début de l’histoire des 24 Heures du Mans que ces trois variables ont le plus rapidement progressé. Les engagés sont passés d’un meilleur tour en course proche des 10 minutes en 1923 sur un tracé de 17,262 km, à seulement 5’12 en 1939 sur une boucle de 13,492 km.

Pour la gloire

En 1963, les 24 Heures du Mans prennent un tournant. Désormais, c’est les chronos établis lors des séances d’essais qui déterminent le classement des voitures au départ. Réaliser le meilleur tour devient un enjeu majeur ; pas nécessairement pour s’attribuer de meilleures chances lors de la course, mais plutôt pour envoyer un signal fort aux adversaires, pour le prestige, pour l’accomplissement de maîtriser chaque millimètre du plus important circuit au monde. Le Mexicain Pedro Rodríguez est le premier poleman des 24 Heures en 3’50’’90, soit 209,873 km/h de moyenne sur une boucle. Bien sûr, le circuit évolue beaucoup au fil du temps. C’est pourquoi il est essentiel de comparer la vitesse moyenne plutôt que le chrono, même si c’est ce dernier qui prime au moment où il est enregistré.

Chaque année, les meilleurs pilotes – souvent envoyés pour affoler la montre – font tout leur possible pour abaisser ce record. Bruce McLaren, Phil Hill, John Surtees et bien d’autres excellent en Formule 1, et sont, pour certains, champions du monde. Des grands tours, il y en a eu. Mais des légendaires, il y en a peu. Généralement, un tour du circuit bouclé en moins de 3’15 n’est plus seulement remarquable, il est exceptionnel. Ce temps représente environ 250 km/h de moyenne tenus sur un peu plus de 13 kilomètres.

Jacky Ickx faisait partie de ces as. "M. Le Mans", avant Tom Kristensen, a réalisé cinq fois la pole position au Mans (1975, 1978, 1981, 1982 et 1983). Le tout pour six victoires. Un palmarès unique.
Jacky Ickx faisait partie de ces as. "M. Le Mans", avant Tom Kristensen, a réalisé cinq fois la pole position au Mans (1975, 1978, 1981, 1982 et 1983). Le tout pour six victoires. Un palmarès unique.

LA FOUDROYANTE 917

L’arrivée de la Porsche 917 dans le monde des sports-prototypes à la fin des années 1960 a l’effet d’une bombe. Extrêmement rapide, aérodynamique et très légère, elle permet aux pilotes de passer dans une autre dimension à son volant. De 1969 à 1971, le monstre allemand se classe en tête des essais. Mais lors de la dernière de ces éditions, Pedro Rodríguez, déjà habitué de l’exercice, enregistre un 3’13’’900 (250,069 km/h) au volant de la 917 LH #18 « longue queue », encore plus fine et véloce que la version « courte ». Dans les Hunaudières, il frôle les 390 km/h. Ironie du sort, la Porsche 917 LH #21 pilotée en course par Gérard Larrousse et Vic Elford est chronométrée à 3’14’’900, ce qui l’aurait mis en pole de toutes les éditions des 24 Heures... sauf trois.

La Porsche 917 en version LH bénéficiait d'une meilleure vitesse de pointe en raison de sa carrosserie spécialement rallongée. Idéal pour aller chercher un record.
La Porsche 917 en version LH bénéficiait d'une meilleure vitesse de pointe en raison de sa carrosserie spécialement rallongée. Idéal pour aller chercher un record.

STUCK FAIT MIEUX, PORSCHE CÉLÈBRE

Porsche est habitué aux lauriers en Sarthe. C’est de même en qualifications. L’introduction de la 956 au début des années 1980 est l’occasion de retrouver une voiture très rapide. À son bord, le grand Jacky Ickx festoie. C’est lui qui compte le plus de poles avec cinq réalisations. En 1983, il réussit à tenir une moyenne de 249,560 km/h sur un tour, soit 3’16’’56 au chrono. Ces temps n’avaient plus été vus par les spectateurs depuis la glorieuse époque des 917. L’introduction de la 962C par l’équipe d’usine en 1985 ne laisse présager qu’une amélioration, et peut-être, un record. Contre toute attente, ce n’est pas le Belge qui se classe premier des essais qualificatifs, mais Hans Joachim Stuck. Sur la Porsche #2, il épate la foule à l’aide d’un brillant 3’14’’800. Si l’on tient compte de la configuration du tracé, il a roulé à 251,815 km/h de moyenne, soit plus que Jackie Oliver 14 ans plus tôt.

  • La Porsche 956, ici aux mains de Derek Bell et Jacky Ickx en 1982, est éclatante de rapidité. Sa version améliorée, la 962C, l'est davantage.
  • Parfois, le sport est étrange. En 1994, Alain Ferté réalise le meilleur tour lors des qualifications sur cette Courage C32 en... 3'51''050, soit la pole la plus lente de l'histoire des 24 Heures.
  • La Porsche 956, ici aux mains de Derek Bell et Jacky Ickx en 1982, est éclatante de rapidité. Sa version améliorée, la 962C, l'est davantage.
  • Parfois, le sport est étrange. En 1994, Alain Ferté réalise le meilleur tour lors des qualifications sur cette Courage C32 en... 3'51''050, soit la pole la plus lente de l'histoire des 24 Heures.
  • La Porsche 956, ici aux mains de Derek Bell et Jacky Ickx en 1982, est éclatante de rapidité. Sa version améliorée, la 962C, l'est davantage.
  • Parfois, le sport est étrange. En 1994, Alain Ferté réalise le meilleur tour lors des qualifications sur cette Courage C32 en... 3'51''050, soit la pole la plus lente de l'histoire des 24 Heures.
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La Porsche 956, ici aux mains de Derek Bell et Jacky Ickx en 1982, est éclatante de rapidité. Sa version améliorée, la 962C, l'est davantage.

KOBAYASHI ET LE TOUR PARFAIT

Une nouvelle fois, le record de Stuck peine à être battu par ses pairs. L’apparition de deux chicanes au milieu des Hunaudières en 1990 met fin à cette chasse. Pourtant, les années suivantes, les Groupe C de 3,5 litres, très proches des Formule 1, auraient sans doute eu leur mot à dire dans cette conversation. D’ailleurs, un peu avant, en 1989, Jean-Louis Schlesser frôlait le 3’15’’00 à bord de sa Sauber-Mercedes C9.

Puis, lentement mais sûrement, les prototypes deviennent de nouveau très rapides. À la fin des années 2010, les LMP1 hybrides sont déchaînées. C’est dans ce contexte qu’en 2017, à bord de sa Toyota TS050 Hybrid, Kamui Kobayashi explose la pendule en qualifications avec un 3’14’’791, soit 251,882 km/h de moyenne. Son effort, disponible en caméra embarquée, est sans erreur aucune. Du grand art.

Tout le monde s’accorde à dire qu’il s’agit, au vu de la vitesse moyenne, du tour le plus rapide de l’histoire des 24 Heures du Mans. Lui, en revanche, affirme qu’il pouvait encore faire mieux. Le raisonnement du Japonais s’explique par sa dureté avec lui-même ; sans doute le secret pour réaliser quatre poles au Mans, soit le deuxième meilleur total après Jacky Ickx.

Depuis 2020, les concurrents des 24 Heures disputent l’Hyperpole, une session sous haute tension qui permet à quelques qualifiés seulement de se disputer le droit de partir depuis la tête. À l’ère Hypercar, la chasse au chrono continue, toujours motivée par la recherche de la synergie entre l’Homme et la machine. Un spectacle presque poétique qui ne cesse d’émerveiller les passionnés, 60 ans après son introduction.

  • Un moment de légende.
  • La TS050 Hybrid développait plus de 1000 chevaux en qualifications.
  • Kamui Kobayashi, le Japonais foudroyant, pilotera la Toyota GR010 Hybrid #7 aux 24 Heures 2024, accompagné de Nyck de Vries et Mike Conway.
  • Un moment de légende.
  • La TS050 Hybrid développait plus de 1000 chevaux en qualifications.
  • Kamui Kobayashi, le Japonais foudroyant, pilotera la Toyota GR010 Hybrid #7 aux 24 Heures 2024, accompagné de Nyck de Vries et Mike Conway.
  • Un moment de légende.
  • La TS050 Hybrid développait plus de 1000 chevaux en qualifications.
  • Kamui Kobayashi, le Japonais foudroyant, pilotera la Toyota GR010 Hybrid #7 aux 24 Heures 2024, accompagné de Nyck de Vries et Mike Conway.
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Un moment de légende.

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