Depuis 1923, 64 femmes se sont ainsi engagées sur au moins une édition des 24 Heures du Mans et 46 ont franchi au moins une fois la ligne d’arrivée. Après la Seconde Guerre mondiale, il faut attendre la fin des années soixante et les années 70 pour voir le retour en force des femmes parmi les concurrents. Pendant la décennie 1970, treize femmes ont pris part aux 24 Heures du Mans.

Anny-Charlotte Verney, « reine de l’endurance »

Originaire du Mans, Anny-Charlotte Verney vient d’une famille bien connue des 24 Heures : son grand-père Louis Verney, est l’un des cocréateurs de la course, et son père a été vice-président de l’ACO. Elle a marqué l’histoire de l’épreuve en tant que recordwoman des participations d’une femme pilote, avec dix départs entre 1974 et 1983… Et qui mieux qu’une Mancelle pour détenir un pareil record ?

Elle débute sa carrière en rallye en 1972, avant de passer au circuit et de faire sa première apparition au Mans en 1974 sur Porsche Carrera RSR. En dix participations, elle se classe à huit reprises et prend le départ neuf fois au volant de Porsche Carrera RS, 934 et 935, avec comme meilleur résultat une sixième place en 1981. Outre ces exploits sur circuits, Anny-Charlotte Verney est entre autres triple championne de France des circuits et prend part à dix rallyes Paris-Dakar.

Lella Lombardi, de la Formule 1 aux 24 Heures du Mans

En 1975, l’Italienne Lella Lombardi est la seule femme à s’être classée en championnat du monde de Formule 1, grâce à sa sixième place lors du Grand Prix d’Espagne. Cette même année, elle fait sa première apparition aux 24 Heures du Mans, constituant pour la circonstance un équipage 100 % féminin avec Marie-Claude Beaumont, au volant d’une Alpine A441. Deux ans plus tard, elle signe son meilleur résultat au Mans, terminant onzième sur un des prototypes Inaltera de Jean Rondeau aux côtés de la Belge Christine Beckers.

Cette dernière a également acquis une belle reconnaissance par son éclectisme. Christine Beckers s’est illustrée dans de nombreuses disciplines du sport auto : circuit, rallye, rallye-raid, course de côte, slalom et même en championnat américain NASCAR.

Elle débute sa carrière, comme de nombreuses pilotes, en rallye en 1966. En 1967, elle participe pour la première fois aux 24 Heures de Spa-Francorchamps avec Marie-Claude Beaumont et y fera ensuite neuf autres apparitions. Elle belge compte quatre participations aux 24 Heures du Mans (1973,1974 puis 1976 et 1977). En 1974, elle se distingue en remportant la catégorie des prototypes 2 litres au volant d’une Chevron de l'équipe Seiko Scato, associée à Marie Laurent et Yvette Fontaine. Elle déclara d’ailleurs à propos de la course mancelle : « Les 24 Heures sont tout sauf misogynes, et les femmes ont été loin de n'y faire que de la figuration ».

Au cours de sa carrière, elle prend part également à trois éditions du Paris-Dakar (1979, 1980 et 1982) et elle reste actuellement la seule pilote européenne à s’être qualifiée dans le championnat américain Nascar sur le circuit ovale de Daytona. Elle participe deux fois à la course 24 heures du mythique circuit de Floride sur Inaltera puis d’une BMW M3.

Marie-Claude Beaumont, « capitaine de Corvette »

Coéquipière de Lella Lombardi et Christine Beckers, Marie-Claude Beaumont compte six participations aux 24 Heures du Mans, de 1971 à 1976. Elle aussi fait ses débuts en rallye et fait sa première apparition en Endurance aux 24 Heures de Spa avec Christine Beckers. Quelques années plus tard, on la retrouve au Mans au volant d’une impressionnante Chevrolet Corvette du Greder Racing et aux côtés de Henri Greder. En 1975 elle revient au Mans sur l’Alpine A441 avec Lella Lombardi comme coéquipière et enfin en 1976 elle prend le départ au volant d’une Porsche 934 avec pour coéquipier Bob Wollek et Didier Pironi, qui gagnera la course deux ans plus tard sur Renault-Alpine. Le meilleur résultat de Marie-Claude Beaumont est une douzième place en 1973 avec Henri Greder sur une Chevrolet Corvette.

Un autre résultat au féminin notable dans les années 1970 est une belle victoire de catégorie aux 24 Heures 1975 pour Christine Dacremont (quatre participations aux 24 Heures), Marianne Hoepfner (quatre départs également, elle sera également la dernière épouse du comédien Jean-Louis Trintignant) et Michèle Mouton, vice championne du monde des rallyes en 1982 et première présidente de la commission Women in Motorsport, créée par Jean Todt lors de son accession à la présidence de la Fédération Internationale de l’Automobile.  Comme les dames mentionnées plus haut, elles ont fait leurs premières armes en rallye.

Saluons également Martine Rénier, Pascale Geurie, Corinne Tarnaud Koppenhague, Anna Cambiaghi et Juliette Slaughter, vues dans la Sarthe pendant cette période.

Malgré de nombreuses évolutions, les femmes restent encore minoritaires sur les circuits et derrière les volants, mais comme l’a si bien souligné Christine Beckers : « Les femmes qui font de la course, on n'en parle pas assez et donc celles qui auraient envie d'en faire se disent que ce n’est pas possible. Moi je l'ai fait parce que j'ai vu un Grand Prix (le GP de Formule 1 de Spa-Francorchamps auquel participait Maria Teresa de Filippis) et j'ai vu une femme qui courait ».

Cette année, pour l’édition du Centenaire, cinq femmes (Doriane Pin, Sarah Bovy, Michelle Gatting, Rahel Frey et Lilou Wadoux) seront au départ des 24 Heures du Mans, et ne manqueront pas d’inspirer les générations à venir.

PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS 1971-1983 - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) : Après neuf participations sur Porsche (n°66, en 1977), la mancelle Anny-Charlotte Verney dispute ses dixièmes et dernières 24 Heures au volant d'un prototype du constructeur manceau Jean Rondeau (n°28) ; après avoir été le 27 avril 1975 la seule femme à avoir inscrit des points en Formule 1, Lella Lombardi dispute les 14 et 15 juin ses premières 24 Heures du Mans sur Renault-Alpine (n°26) ; la Chevrolet Corvette au volant de laquelle Marie-Claude Beaumont a disputé ses premières 24 Heures en 1971 (n°2).