La stratégie de Louis Rosier, parti raisonnablement, le voit en seconde position au bout de quatre heures de ronde et l’incite à « appuyer »... ce qui lui vaut au passage de battre de 20 secondes le record du tour de… 1939 ! Il ne partage pas le volant pour autant, enchaîne les relais jusqu’à en perdre ses gammes lorsqu’une chouette se fracasse sur le saute-vent qui... "vole" (!) en éclat et au freinage de Mulsanne, et un rétrogradage 5e/2e au lieu de 5e/4e érige la rampe de culbuteur au rang de chef-d’œuvre d’art moderne.

Arrivé au stand, le bruit laisse de marbre son mécanicien Robert Aumaitre qui en a vu d’autres, lui le fidèle mécano de Jean Bugatti avant-guerre. A la nuée de commissaires techniques de l’ACO accourus aux nouvelles, il conseille de profiter des… bulles fraîches que tendent les épouses des pilotes Talbot, le temps d’avaler un sandwich et de faire transiter une rampe de culbuteurs neuve du camion dans l’auto. Quarante-cinq minutes plus tard, Jean-Louis,  le fils, part faire trois tours de rodage pendant que Louis avale trois bananes. Reparti de plus belle, Rosier survole la concurrence et c’est en héros qu’il remporte les 24 Heures du Mans. Quand on songe à la débauche d’énergie qu’exigeaient ces Talbot TS 26, version sport biplaces, monstrueuses, héritières des authentiques monoplaces issues des compétitions de vitesse auxquelles étaient greffées pour l’occasion garde-boues « motos » et phares additionnels, dotées d’un volant frisant le mètre de diamètre et de freins tambours...

Il existe une version différente de la chevauchée Rosier, attribuant non pas trois tours mais un ou deux relais à Jean-Louis. Mais quoiqu’il en soit, Louis Rosier aura passé au moins 22 heures au volant.