Qui est Hans Herrmann, le héros sorti d’un conte ?
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Qui est Hans Herrmann, le héros sorti d’un conte ?

Hans Herrmann est une légende. Par légende, il faut comprendre un personnage mythique, aux accomplissements incroyables et aux histoires fantastiques. Sa carrière est si dense qu’il est parfois difficile de distinguer ce qui s’est réellement passé, un peu comme dans les grandes fables racontées depuis des millénaires. Pourtant, à 96 ans, Hans im Glück l’évoque encore avec passion. Comme ses anecdotes les plus folles, il demeure insensible aux affres du temps.

Plus de courses que de pâtisseries

La Seconde Guerre mondiale bat son plein. À Stuttgart, en Allemagne, l’activité industrielle est impactée par le conflit, comme la vie de millions de gens. Parmi les habitants de la cité, un humble apprenti pâtissier se perfectionne avec les moyens du bord. Hans Herrmann, né en 1928, avait préféré la boulangerie à la guerre. Ses yeux bleu clair dissimulent des heures sombres, alors qu’il se permet de rêvasser, s’imaginant pilote de course. En l’absence de farine, d’œufs, et autres ingrédients essentiels à l’exercice de son art, l’Allemand a le temps de repenser à ses héros d’enfance. Rudolf Caracciola et Bernd Rosemeyer, deux pilotes et icônes germaniques qu’il aimerait bien imiter. Les années passent, et jamais cette pensée ne s’estompe.

Sa mère, sensible à sa passion, décide de lui offrir une chance en 1951. La première de sa longue carrière. Elle décide de se séparer du bracelet en or offert par le père de Hans, assassiné en 1936. L’argent récolé doit lui permettre de s’acheter une voiture. L’Allemand courrait déjà depuis quelque temps, mais uniquement sur un véhicule peu performant, et partagé par plusieurs autres jeunes loups. Mais désormais, lui et sa Porsche 356 1100cc sont inséparables.

C’est ainsi, en 1952, que débute sa vie sur les circuits ; comme d’autres génies avant lui, son talent ne peut passer inaperçu. Son nom grandit peu à peu dans tout le pays. L’enfant de Stuttgart, après une prouesse exceptionnelle sur un Nürburgring détrempé, est repéré par Porsche. La firme lui donne sa chance aux 24 Heures du Mans 1953, sans attendre une année de plus. À l’époque, Porsche n’est pas encore l’entreprise tentaculaire que l’on connaît aujourd’hui. Elle n’existe que depuis 1948, ne se présente en Sarthe que depuis 1951, et ne compte encore aucun succès. Pourtant, les 550 Coupé sont très performantes. Les deux seuls modèles engagés monopolisent les deux premières places de la catégorie Sport 1.5 L. Sa carrière n’en est qu’à ses balbutiements, mais déjà, Herrmann accumule les bons points.

Hans Herrmann et Porsche, une grande histoire d'amour. Ici la 550 utilisée lors de sa toute première participation au Mans.
Hans Herrmann et Porsche, une grande histoire d'amour. Ici la 550 utilisée lors de sa toute première participation au Mans.

Tête baissée

Les lauriers tardent à se montrer sur les plus prestigieuses épreuves du vieux continent, mais qu’importe. Sa légende grandit avec lui. Lors de la Mille Miglia 1954, une course d’endurance disputée sur route en Italie, l’impensable se produit. Lorsqu’il arrive dans le village de Chieti, sa Porsche 550 Spyder crache les chevaux. À la sortie d’un virage aveugle, il se trouve face à un passage à niveau. Alors que les barrières se ferment – le commissaire n’étant pas au bon endroit pour les avertir, Hans Herrmann n’a d’autre choix que d’enfoncer la pédale. Avec sa main libre, il baisse la tête de son copilote Herbert Linge et se recroqueville autant qu’il le peut. La voiture passe sous les barrières, non sans être effleurée par le train Pescara-Rome. Cette course mythique lui a toujours résisté. L’édition 1955, où il devait l’emporter dans les derniers instants, demeure son plus grand regret. Il retente sa chance au Mans sur une Porsche 550 RS 1500 aux côtés d’Helmut Polensky, mais l’allumage leur fait défaut le dimanche matin.

Mercedes-Benz, l’autre monstre de Stuttgart, l’emploie à son tour en Formule 1 avec le grand Juan Manuel Fangio. Mais brusquement, en 1955, les flèches d’argent se retirent de toute compétition en raison de l’accident des 24 Heures du Mans. Heureusement, Porsche est toujours là pour Hans.

Même quand les appels se font rares, il participe aux 24 Heures du Mans pour son équipe, sans grands succès. En 1956, il partage le volant avec Umberto Maglioli sur une 550 A, mais un piston stoppe net sa course à la 16e heure. Un an plus tard, il tente sa chance avec Richard Von Frankenberg, cette fois doté d’une 550 A RS. Comme en 1955, l’allumage éteint tout espoir après huit heures d’épreuve.

Retour aux affaires

Hans Herrmann, éprouvant un grand respect pour ses aînés, désire revenir en Formule 1. La route est semée d’embûches, mais Porsche lui fait toujours confiance en endurance. En 1958, l’Allemand enregistre tout de même un excellent résultat aux 24 Heures du Mans. À bord de la 718 RSK, lui et Jean Behra se hissent à la troisième place du classement général, et à la première en catégorie Sport 2.0 L. Les deux se sont parfaitement comportés sous la pluie, malgré des freins en difficulté. Hans Herrmann a moins de chance en 1959, toujours sur la 718 RSK avec Maglioli. Il est de nouveau contraint à l’abandon, cette fois à cause d’une casse moteur.

  • La Porsche 718 a connu de nombreuses déclinaisons, mais représente une pierre angulaire pour Porsche dans sa conquête du Mans.
  • En 1958, Porsche fait forte impression. Avec son petit moteur, la 718 chatouille les Ferrari et Aston Martin.
  • La Porsche 718 a connu de nombreuses déclinaisons, mais représente une pierre angulaire pour Porsche dans sa conquête du Mans.
  • En 1958, Porsche fait forte impression. Avec son petit moteur, la 718 chatouille les Ferrari et Aston Martin.
  • La Porsche 718 a connu de nombreuses déclinaisons, mais représente une pierre angulaire pour Porsche dans sa conquête du Mans.
  • En 1958, Porsche fait forte impression. Avec son petit moteur, la 718 chatouille les Ferrari et Aston Martin.
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La Porsche 718 a connu de nombreuses déclinaisons, mais représente une pierre angulaire pour Porsche dans sa conquête du Mans.

Sa carrière en monoplace, elle, ne décolle pas. Pourtant, depuis 1957, il multiplie les piges chez différentes équipes ; tantôt sur une Maserati pour la Scuderia Centro Sud, tantôt sur une Cooper-Maserati, tantôt pour BRM. C’est justement avec la dernière de ces écuries que naquit son surnom. Lors du Grand Prix d’Allemagne de Formule 1 1959, disputé sur l’AVUS près de Berlin, Hans Herrmann subit la pire chose qu’il puisse arriver à un pilote. Une défaillance des freins. Le circuit n’était composé que de deux virages, pour grossir le trait, qui se rejoignaient par deux grandes lignes droites. En arrivant aux abords d’une de ces larges épingles, il part en tonneaux.

Miraculeusement, Hans est projeté hors de sa voiture, directement contre le sol. Sur le bitume, incrédule et indemne, il observe sa BRM P25 se désintégrer quelques mètres plus loin. Tous commencent à l’appeler Hans im Glück (Hans la Chance), le titre original du conte Jean le Chanceux signé des Frères Grimm.

Porsche, son partenaire de toujours, fait appel à lui pour son programme de Formule 1. Il ne dispute qu’un Grand Prix en 1960, mais à côté de ça, participe aux classiques de l’endurance. En plus des 24 Heures, abandonnées sur casse moteur, il dispute les 12 Heures de Sebring, qu’il remporte accompagné d’Olivier Gendebien. Il triomphe aussi sur la Targa Florio, autre course sur route italienne. En 1961, Hans se classe septième de la classique mancelle avec Edgar Barth. À 33 ans déjà, son employeur croit davantage aux chances de Dan Gurney et Jo Bonnier en F1. Ainsi s’achèvent ses rêves de Grands Prix. Avec Porsche, il termine le double tour d’horloge 1962, toujours avec Edgar Barth, et toujours à la septième place. Et puis s’en va.

Deuxième carrière

Hans Herrmann fait ses valises et part rejoindre Abarth, un constructeur-préparateur italien à la grande renommée, mais à qui il manque un pilote professionnel pour se développer. De toute manière, Porsche stoppe son programme de Formule 1 en fin de saison. Les moyens ne sont plus les mêmes, les ambitions aussi. Le calendrier de Hans Herrmann se résume à des courses de côte et des épreuves bien plus modestes. Il teste, parfois désarçonné par les méthodes moins disciplinées, mais connaît du succès. Un jour, d’ailleurs, ses mécaniciens avaient oublié de lui mettre de l’essence. En contrepartie, l’Allemand doit s’absenter du Mans pendant plusieurs années.

Jean Behra, grand pilote français avec qui il a partagé le volant aux 24 Heures 1958, a trouvé la mort sur l'AVUS un jour avant qu'Hans Herrmann ne soit miraculé.
Jean Behra, grand pilote français avec qui il a partagé le volant aux 24 Heures 1958, a trouvé la mort sur l'AVUS un jour avant qu'Hans Herrmann ne soit miraculé.

Les saisons passent et la lassitude se fait sentir. En 1965, il fait faux bond à son équipe en raison d’une énième défaillance de son matériel. À la fin de l’année, le voici de retour sur sa terre natale, prêt à reprendre son destin là où il l’avait laissé, et plus proche de son fils Dino, aussi. Porsche le rappelle comme au bon vieux temps. Sa préparation pour les 24 Heures 1966 n’est pas facile ; les prototypes ont bien changé. Désormais, c’est la 906/6 LH qu’il faut maîtriser. Avec Herbert Linge – comme dans l’histoire du train, Hans Herrmann s’attaque à la plus grande course d’endurance au monde. Son grand retour aux affaires est marqué par une cinquième place au général, couplée à une deuxième position dans sa catégorie. De bon augure.

 

Hans Herrmann, vraisemblablement à la fin des années 1960.
Hans Herrmann, vraisemblablement à la fin des années 1960.

Porsche se rapproche de son but. La victoire n’est plus très loin. En 1967, Hans et le Suisse Jo Siffert s’emploient sur la 907, encore plus affûtée. Une nouvelle cinquième place ne les décourage pas. L’exercice 1968 commence de la plus belle des manières, avec une victoire aux 24 Heures de Daytona ainsi qu’aux 12 Heures de Sebring. Mais au Mans, la 908 casse sur un embrayage défectueux avant la tombée de la nuit. Avec l’arrivée de la redoutable 917 en 1969, la course est promise à Porsche.

DES LARMES AU RIRE

Hans Herrmann, lui, n’a pas la 917. Après tout, elle est nouvelle, et terriblement redoutée par ses pilotes, plus encore que par la concurrence. Hans im Glück et Gérard Larrousse entraînent une 908 en version longue, pour améliorer sa vitesse de pointe. Cette course est désormais légendaire

  • La Porsche 908/8, ici en version LH, ou "longue queue ". Même si elle n'était pas aussi rapide que la 917, elle n'en restait pas moins un modèle extrêmement performant.
  • Elle emportait avec elle un moteur huit cylindres à plat - contre douze pour la 917, pour une vitesse maximale de 275 km/h.
  • La Porsche 908/8, ici en version LH, ou "longue queue ". Même si elle n'était pas aussi rapide que la 917, elle n'en restait pas moins un modèle extrêmement performant.
  • Elle emportait avec elle un moteur huit cylindres à plat - contre douze pour la 917, pour une vitesse maximale de 275 km/h.
  • La Porsche 908/8, ici en version LH, ou "longue queue ". Même si elle n'était pas aussi rapide que la 917, elle n'en restait pas moins un modèle extrêmement performant.
  • Elle emportait avec elle un moteur huit cylindres à plat - contre douze pour la 917, pour une vitesse maximale de 275 km/h.
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La Porsche 908/8, ici en version LH, ou "longue queue ". Même si elle n'était pas aussi rapide que la 917, elle n'en restait pas moins un modèle extrêmement performant.

Le départ marché de Jacky Ickx et la disparition de John Woolfe laissent place à une bataille épique entre la Ford GT40 #6 de Ickx/Oliver et la 908 #64 de la paire Herrmann/Larrousse. Dans le dernier tour, Jacky Ickx use de son génie pour contenir l’Allemand, alors au volant de la Porsche. Pour 120 mètres seulement, l’enfant de Stuttgart est battu. À n’en pas douter, plein d’images se succèdent dans son esprit, comme cette perte nette de 20 minutes en début de course pour une réparation de la suspension. Partout, la course aurait pu être gagnée.

En 1970, son épouse Magdalena lui demande, amoureusement, de raccrocher le cuir. Hans Herrmann promet de le faire à l’arrivée des 24 Heures du Mans. Entre-temps, il avait fallu développer la 917. La rendre plus aiguisée, mais aussi la fiabiliser. Cette fois, il était titulaire sur l’une d’elles ; la 917 K en version « courte », engagée par l’équipe officielle de la famille Piëch - très importante dans l’histoire de la firme – sous le nom de Porsche KG Salzburg. Celle-là, il doit la gagner, même si ça ne part pas si bien.

  • Hans Herrmann et Richard Attwood savent qu'ils ont la meilleure voiture. Alors que les autres 917 et les Ferrari 512 S partent à fond, eux préfèrent la jouer plus discrètement.
  • Cette livrée rouge avec des bandes blanches, au couleur de l'Autriche, est devenue légendaire au fil du temps.
  • Richard Attwood ne pouvait pas manger pendant la course, et seulement boire du lait pour rester éveillé ! Un sacré défi.
  • Hans Herrmann et Richard Attwood savent qu'ils ont la meilleure voiture. Alors que les autres 917 et les Ferrari 512 S partent à fond, eux préfèrent la jouer plus discrètement.
  • Cette livrée rouge avec des bandes blanches, au couleur de l'Autriche, est devenue légendaire au fil du temps.
  • Richard Attwood ne pouvait pas manger pendant la course, et seulement boire du lait pour rester éveillé ! Un sacré défi.
  • Hans Herrmann et Richard Attwood savent qu'ils ont la meilleure voiture. Alors que les autres 917 et les Ferrari 512 S partent à fond, eux préfèrent la jouer plus discrètement.
  • Cette livrée rouge avec des bandes blanches, au couleur de l'Autriche, est devenue légendaire au fil du temps.
  • Richard Attwood ne pouvait pas manger pendant la course, et seulement boire du lait pour rester éveillé ! Un sacré défi.
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Hans Herrmann et Richard Attwood savent qu'ils ont la meilleure voiture. Alors que les autres 917 et les Ferrari 512 S partent à fond, eux préfèrent la jouer plus discrètement.

La voiture est qualifiée 16e seulement, et pire, son coéquipier Richard Attwood a les oreillons ! Mais l’histoire est bien écrite. Sous la sempiternelle pluie mancelle, le duo mène une course patiente, et s’impose avec cinq tours d’avance. Hans Herrmann, ancien boulanger de Stuttgart, offre à Porsche sa première victoire au Mans. En vétéran, il honore sa promesse et prend sa retraite sur le champ.

Hans im Glück n’en avait pas fini des histoires improbables, comme des gros coups de chance. Mais de la compétition, oui. Au début des années 1990, il est kidnappé, par trois hommes masqués, et libéré contre une rançon d’un million de Deutschemarks. Sa plus grande victoire n’est pas celle célébrée le 14 juin 1970 dans la Sarthe, mais d’avoir survécu, comme l’indique le titre de son autobiographie. Il a vu nombre de ses amis périr dans de graves accidents, mais lui tient toujours debout, résistant devant l’Éternel, en héros qu’il rêvait d’être.

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