The sun always shines on TV ! Le soleil brille toujours à la télévision comme le chantait le groupe a-ha dans les années 80. Fi de la belle histoire ! Le choix de la couleur jaune, devenue l'emblème de Corvette, est beaucoup plus prosaïque : le jaune passe bien à la TV. Mais pragmatisme rime aussi avec héroïsme comme en 2015 lorsque la belle Américaine s'est imposée dans l'adversité. Après avoir perdu une voiture lors des essais, toute une équipe s'est mise au service d'une seule voiture : "La sensation lorsque j'ai franchi la ligne d'arrivée fut extraordinaire, raconte Oliver Gavin. On peut vraiment parler de victoire d'équipe." Et Doug Fehan de compléter : "Une victoire dans l'esprit du Mans."

Le Mans ! Le rêve éveillé, car lorsque Herb Fishel, le mythique patron de toute l'activité compétition de General Motors, embauche Doug Fehan en 1988, c'est avec un objectif en tête : voir un jour une Corvette au départ des 24 Heures du Mans. Il faudra plus de dix ans de gestation pour que le rêve devienne réalité. Et que naisse une histoire d'amour riche en souvenirs, comme l'explique ce dernier : "Etre invité au Mans en 2000 fut un immense honneur, ponctué, cerise sur le gâteau, de la troisième marche du podium. Dès l'année suivante, Corvette réalise le doublé sous la pluie. A cette époque, la boîte de vitesses et le démarreur étaient très fragiles. Nous étions en tête avec une marge confortable et la décision la plus sage était de changer les deux pour être sûr d'aller au bout, mais je ne voulais pas qu'on accuse Corvette d'avoir décroché la victoire de comportement anti-sportif. J'ai donc envoyé quelqu'un à la direction de course pour savoir si c'était "réglo" de rentrer la voiture pour monter de nouvelles pièces. La réponse ayant été positive, nous l'avons fait et nous avons gagné. J'ai alors décidé de monter sur le podium avec les pilotes, ce qui ne se faisait pas encore. Voir cette marée humaine rassemblée en bas du podium et surtout tous les mécaniciens en pleurs est un souvenir inoubliable. Probablement le plus beau souvenir de toute ma vie !"

Ce n'est que l'année suivante qu'Oliver Gavin rejoint la formation américaine, dont les voitures sont assemblées et exploitées par Pratt & Miller. "J'ai remporté ma première victoire au Mans avec Corvette dès ma première tentative avec Ron Fellows et Johnny O'Connell, indique le pilote britannique. C'est forcément la plus belle. On se battait contre la Ferrari 550 Maranello de Prodrive et la lutte était vraiment sans merci. C'est un super souvenir, même si le succès de 2015 est aussi mémorable avec la perte de la voiture sœur dès les essais."

La perte d'une voiture, c'est aussi ce qui a failli arriver en 2003 alors que les deux C5-5 avaient revêtu une livrée bleue pour célébrer les 50 ans de la marque. Doug Fehan se souvient : "L'une des voitures est revenue au stand dès la fin du premier tour et même si finalement nous avons terminé aux deuxième et troisième places, c'est un assez mauvais souvenir car l'état-major était venu des Etats-Unis pour voir briller les couleurs américaines. Je peux vous dire qu'il n'y aura plus jamais de Corvette bleue au Mans !"

Dans les faits, depuis cette date, C5-R, C6.R et C7.R, dont deux exemplaires sont alignés cette année dans la catégorie LMGTE Pro, ont toujours conservé leur livrée jaune reconnaissable au premier coup d’œil. Jaune comme la couleur de l'amitié et de la fraternité qui lient la marque américaine au Mans et aux Manceaux.

Photo : Doug Fehan, à gauche, et Oliver Gavin, à droite, à quelques heures des essais qualificatifs des 24 Heures du Mans le jeudi 14 juin 2018.