« En arrière toute » : une histoire de moteurs aux 24 Heures du Mans
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« En arrière toute » : une histoire de moteurs aux 24 Heures du Mans

CENTENAIRE DES 24 HEURES – UNE HISTOIRE D’INNOVATIONS ⎮ Si le moteur arrière devient la norme en Formule 1 dès le double titre mondial de la Cooper de Jack Brabham en 1959 et 1960, il faudra attendre 1963 pour voir cette architecture remporter sa première victoire aux 24 Heures du Mans. Histoire d’une (r)évolution.

La conception traditionnelle des voitures voulait que le moteur soit placé à l’avant, les passagers au milieu et le coffre à l’arrière. Un arbre de transmission envoyait le mouvement du moteur via la boîte de vitesse au pont arrière rigide et suspendu, parce que l’on ne savait pas comment transmettre la puissance aux roues avant qui devaient en même temps assurer la direction de la voiture.  Lors des premières 24 heures du Mans en 1923, toutes les voitures répondent à cette architecture.

Or, pour obtenir une voiture bien équilibrée, il convient d’avoir l’ensemble des masses situées entre les deux essieux avant et arrière et limiter au maximum le poids en porte-à-faux. Aussi, petit à petit les moteurs ont reculé dans le compartiment avant, rejetant le pilote plus en arrière.

Mais dès 1958, puis avec le titre mondial en 1959, Jack Brabham et sa monoplace conçue par John Cooper donnent en Formule 1 la preuve que le moteur situé en position centrale arrière (soit devant l’axe des roues arrière) est une meilleure implantation. Le poids était réparti de manière plus efficace. Cette architecture permet également un allègement important de la voiture avec la suppression du poids lié à l’arbre de transmission.

« Le cheval tire la charrette, il en est de même pour les voitures »

Quelles difficultés caractérisent le moteur avant ? Lorsque l’on freine à l’approche d’un virage, on reporte du poids sur le train avant (transfert de masse), déjà bien chargé par le poids du moteur. La voiture cherche alors à aller tout droit et la correction est plus difficile car la direction devient plus lourde. La voiture a du mal à s’inscrire dans le virage. Dans le même temps, le transfert des masses a délesté le train arrière déjà peu chargé et l’adhérence des roues est moindre. On est obligé par conséquent de limiter la puissance de freinage sur le train arrière pour éviter le blocage des roues.

A l’inverse, lorsque le moteur est central arrière, on charge moins le train avant et on limite ainsi le sous-virage. De plus, le poids du moteur sur l’arrière permet aux pneus arrière d’être plus appuyés sur la route. On pourra alors appliquer plus de force de freinage sur le train postérieur en entrée de virage. Puis en sortie, à l’accélération, le transfert de masse sur l’arrière viendra d’additionner au poids du moteur et permettra de passer plus de puissance sans patiner.

Mais dans le domaine de l’endurance on hésite encore. On prête à Enzo Ferrari, après les victoires en 1960 et 1961, les mots suivants : « le cheval tire la charrette. Il en est de même pour les voitures ». Mais surtout, les courses d’endurance voulaient des voitures plus proches de la série que les monoplaces. Et dans le cadre des contraintes d’habitabilité de ces automobiles, le moteur avant était plébiscité.

De la 4 CV à Ferrari

Pourtant, lors de l’édition 1949, une première voiture à moteur en porte-à-faux arrière fait son apparition : la 4 CV Renault. Le défaut de ces voitures bien connu de tous les amateurs : positionner du poids en arrière de l’axe des roues provoque des tendances au survirage et au tête-à-queue.

 En 1950, la MAP offre la double innovation du moteur central et diesel. Et on trouve également dans les mêmes années quelques voitures à moteur avant et traction avant, comme les Panhard. Dès 1951 Porsche se lance dans l’aventure mancelle avec la 356 et son moteur en porte-à-faux arrière.

En 1959, le même John Cooper engage une Cooper Monaco à moteur central aux 24 Heures du Mans. Elle abandonne hélas après 6 heures de course sur accident.

Pourtant, il faut attendre la fin 1961 pour que Ferrari présente la 246 SP à moteur V6 central qui courra en 1962. Confiée au frères Rodriguez, elle brille face aux voitures à moteur avant, avant de casser sa transmission à la 14e heure. Mais la voiture avait convaincu le staff de Maranello et dès 1963, le moteur central triomphe avec la 250 P de Ludovico Scarfiotti et Lorenzo Bandini. Et on ne reverra plus de voiture à moteur avant remporter les 24 Heures du Mans au classement général.

Les catégories GT d’avant en arrière

Il n’en est pas de même en catégorie GT, dérivées des voitures de série et pour lesquelles les raisons d’habitabilité prenaient le pas sur les performances. Longtemps, les Ferrari, Corvette et autres Aston Martin font de la résistance. Malgré tout, de nos jours, quasi toutes les GT sont avec des moteurs centraux… Même la Chevrolet Corvette, qui a conservé son moteur antérieur jusqu’en 2020 !

Il y a malgré tout quelques tentatives de retour au moteur avant en prototypes dans les années 2000, avec les Panoz, dont les formes lui valent le surnom de Batmobile de 1999 à 2003. Elle figure en bonne place dans le film Michel Vaillant, tourné lors des 24 Heures 2002. Nissan s’y essaye également en 2015 avec la GT-R LM Nismo, qui était de plus une traction avant. Ce projet était mal né et la voiture disparut après une seule piteuse participation (repêchage aux qualifications, disparition prématurée en course sans jamais avoir pu montrer de réelles performances).

Mettre le moteur à l’arrière, c’est intéressant, mais cela nécessite de monter toute une lourde architecture pour installer le moteur à bord. Aussi, à la fin des années 60, on imagine des moteurs porteurs, qui assurent non seulement le rôle de moteur, mais aussi celui de châssis. En effet, le châssis monocoque s’arrête alors au droit du moteur et la suspension arrière est greffée sur la cloche d’embrayage et la boîte de vitesses. C’était le cas du célèbre V8 Ford Cosworth.

Généralement lorsqu’un moteur est créé pour la course, on le prévoit porteur. Cela permet un gain de poids important sur le châssis. S’il est dérivé de la série, il ne le sera sans doute pas, car le bloc n’est pas conçu pour subir des contraintes de flexion et de torsion imposées au châssis en course.

PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) : en 1963, la Ferrari 250 P est la première voiture à moteur arrière victorieuse aux 24 Heures du Mans, avec Lorenzo Bandini/Ludovico Scarfiotti (vainqueurs) et Umberto Maglioli/Michael Parkes (3e, ici à l'image) ; le moteur de la 4 CV Renault était implanté en porte-à-faux, soit derrière l'axe des roues arrière ; première Ferrari à moteur arrière vue au Mans, la Dino 246 SP de Pedro et Ricardo Rodriguez (n°28) avait été contrainte à l'abandon en 1962 ; soixante-sept ans après sa naissance, la huitième génération de la Chevrolet Corvette a fait sa révolution du moteur arrière en 2019 (année de la dernière apparition de la C7 à moteur avant aux 24 Heures), avec une première apparition au Mans en 2021 ; la Panoz est le dernier prototype à moteur avant à avoir terminé dans le top 10 du classement général des 24 Heures du Mans. On le voit ici dans le rôle du constructeur Leader, adversaire de Michel Vaillant dans le film tourné en partie lors des 24 Heures 2002.

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