La traction avant aux 24 Heures du Mans ou le grand défi de Gephi
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La traction avant aux 24 Heures du Mans ou le grand défi de Gephi

CENTENAIRE DES 24 HEURES – UNE HISTOIRE D’INNOVATIONS ⎮ Parmi les innombrables inventions générées par les 24 Heures du Mans, compétition voulue par ses géniteurs comme un banc d’essai de voitures commercialisées, deux retiennent particulièrement l’attention, tant leur application sur les voitures de série a eu un retentissement planétaire sur la sécurité routière. L’une d’elles est l’adoption de la traction avant, dont la Tracta Gephi a démontré la pertinence sur le circuit des 24 Heures dès la fin des années 1920.

En 1953, les freins à disques de la Jaguar Type C victorieuse des 24 Heures du Mans équipent désormais toutes les voitures, même les plus modestes, gage de sécurité en toutes circonstances. Un quart de siècle plus tôt, la traction avant voit le jour aux 24 Heures du Mans 1927, grâce aux Français Pierre Fenaille et Jean-Albert Grégoire. Il s’agit probablement de l’invention qui, à ce jour, a permis et permet encore de sauver des millions de vies, tant son application à l’automobile a contribué à l’amélioration de la tenue de route des voitures, en garantissant au conducteur une maîtrise suffisante de son véhicule dans la quasi totalité des situations.

1927-1930 : cinq top 10 pour la Tracta Gephi

La Tracta rompt avec la traditionnelle construction automobile de l’époque qui est « propulsée ». L’invention du joint homocinétique - homocinématique devrait-on dire - bouleverse les codes. Cette pièce, qui sert à transmettre aux roues la puissance du moteur, jusque-là à double joint de cardan, est tout d’abord révolutionnée par Fenaille. Son brevet est ensuite amélioré par Grégoire, permettant la parfaite synchronisation des deux arbres de transmission. Forts de cette trouvaille et désormais associés, ils décident d’appliquer leur découverte à la course et créent leur première voiture, la Tracta dite « GePhi » - contraction  du G de Grégoire et de Fenaille.

Pierre Fenaille accepte de prendre le financement en charge à condition que la voiture sorte des sentiers battus, et les 24 Heures du Mans leur semblent un enjeu à la mesure du projet. Quatre années durant, des Tracta sont au rendez-vous de la Sarthe avec des résultats probants : septième en 1927, douzième en 1928, neuvième et dixième en 1929, huitième et neuvième en 1930. Auparavant, la Tracta avait fait merveille sur les quelques courses de côte auxquelles Grégoire avait participé.

Si 90 % du parc automobile français est aujourd’hui « tracté », c’est bien grâce à Jean-Albert Grégoire et Pierre Fenaille. Ingénieur polytechnicien lui aussi, André Citroën ne s’y trompe pas lorsqu’il crée en 1934 la mythique Traction, dont la sureté de tenue de route est légendaire et explique également son exceptionnelle longévité. Il faut y ajouter un gain de place substantiel sur le plancher des automobiles par la disparition du tunnel de transmission, inélégant et inconfortable. La résultante la plus visible de l’adoption de la traction avant est la ligne surbaissée de la voiture qui permet au conducteur de toucher le sol depuis son siège.

Une « at-traction » pour le Musée des 24 Heures

La Tracta qui a rejoint le Musée des 24 Heures a eu l’énorme chance d’être préservée pendant 59 ans, dans son état originel, avec son moteur SCAP monté en position inverse pour être accouplé au pont avant. Immatriculée à l’origine 16 E 26, elle court les 24 Heures 1929 sous l’immatriculation de constructeur 3207 W 1 puis immatriculée 4991 RS 4 le 15 février 1950. Elle devient la propriété de Jacques Liscourt, qui l’intègre à la salle de billard de son château des Hauts de France sous le numéro 2093 GY 75 qu’elle arbore encore aujourd’hui. De grands collectionneurs comme Serge Pozzoli et même son concepteur Jean-Albert Grégoire tentent par la suite de racheter la voiture que monsieur Liscourt avait, en grand connaisseur, su préserver. Il l’avait rachetée au propriétaire d’alors qui, faute de pouvoir payer un garage, l’avait abandonnée dans les rues de Paris, noyée sous les feuilles mortes.

Cette Tracta figure parmi les pionnières majeures de l’histoire automobile mondiale. Les conditions de son acquisition par le Musée des 24 Heures sont en outre très symboliques : c'est pendant les cérémonies du podium des 24 Heures du Mans 2017, que Frédéric Lénart, Directeur Général de l’ACO à cette époque, et Fabrice Bourrigaud, actuel Directeur du Musée des 24 Heures, ont suivi portable en main les enchères en cours à Fontainebleau, avec l’issue heureuse que l’on sait.

PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS 1927-1930 - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) : cinq instantanés de la révolution de la Tracta Gephi aux 24 Heures du Mans : l'ambiance des stands en 1928 ; la Tracta Gephi septième en 1927 (n°20) était pilotée par Lucien Lemesle et Jean-Albert Grégoire (le G de Gephi) ; en 1928, ces trois Tracta Gephi ont terminé 12e (n°29, Maurice Benoist/Louis Balart), 16e (n°31, Roger Bourcier/Hector Vasena) et 17e (n°42, Jean-Albert Grégoire/Fernand Vallon) ; en 1929, la Tracta Gephi fait son retour dans le top 10 grâce à Louis Balart/Louis Debeugny, 9e ici à l'image sur la n°26) et Jean-Albert Grégoire/Fernand Vallon (10e) ; en 1930, les 8e et 9e places (respectivement pour la n°27 et la n°26) récompensent une nouvelle fois l'esprit d'innovation de Jean-Albert Grégoire et Pierre Fenaille.

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