Les « tours d’honneur » des 24 Heures ou un siècle de records du tour
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Les « tours d’honneur » des 24 Heures ou un siècle de records du tour

CENTENAIRE DES 24 HEURES – UNE HISTOIRE D’INNOVATIONS ⎮ Si l’histoire retient avant tout les victoires, elle retient aussi des chiffres qui font rêver, comme le record absolu du circuit, le meilleur tour en course, qui symbolise donc la voiture la plus rapide, et la moyenne au tour qui est plus parlante puisqu’elle s’exprime en kilomètres/heure…

Sur le circuit des 24 Heures du Mans, il est une moyenne d’exception : celle des 250 km/h. Elle est atteinte pour la première fois en 1971 avec Jackie Oliver (Porsche 917) en 3’13’’6 lors des essais préliminaires de la 39e édition. Puis, elle fixe à deux reprises le record du circuit pour l’obtention de la pole position en qualifications, avec Hans Joachim Stuck (Porsche 962 C) en 1985 en 3’14’’88 (251,712 km/h) puis Kamui Kobayashi (Toyota TS050 HYBRID) en 2017 en 3’14’’791 (251,882 km/h).

Parallèlement à ce record absolu, le record du tour en course est un autre marqueur essentiel de l’évolution des 24 Heures. Celui-ci dépend fortement de trois éléments : la réglementation, qui limite la puissance des voitures, le profil du circuit, mais aussi l’intensité de la bagarre en tête.

En cent ans, le circuit a considérablement évolué. Les longues lignes droites du premier tracé de 17,252 km se sont petit à petit transformées en un circuit ou il reste de beaux segments droits mais beaucoup de zones de virages, les derniers en date sous forme de chicane à la courbe Dunlop et dans les Hunaudières.

En 1923, c’est la Bentley de Frank Clement qui réalise le meilleur tour en 9’39’’ à la moyenne stupéfiante de 107 km/h. L’année suivante, la Chenard & Walcker d’André Lagache gagne 20’’ au tour en 9’19’’ avec une moyenne de 111,168 km/h. Il faut attendre 1927 et la Bentley de Frank Clement pour passer sous les 9 minutes (8’46’’), et un an encore pour atteindre et dépasser les 120 km/h (127,6, Bentley de Tim Birkin en 1928).

Mais dès 1929, pour des questions de simplification d’organisation, on instaure une route pour éviter l’épingle de Pontlieue. Le circuit ne mesurera plus que 16.360 km. Le record du tour passe alors en dessous des 7 minutes en 1930, avec Tim Birkin sur Bentley. La moyenne a dépassé maintenant les 140 km/h (144.362).

En 1932, nouvelle modification du circuit. Comme il devenait trop compliqué de rentrer dans la zone urbanisée du Mans, l’ACO a tracé une bretelle entre la route de Laigné et la route de Tours, toujours en activité aujourd’hui. La piste est plus courte avec 13,492 km/h de développement, mais moins rapide en raison des virages (Dunlop et du Tertre Rouge). Le premier record du tour de cette configuration est fixé par l’Alfa Romeo 8C de Nando Minia en 5’41’’, à 142,437 km/h.

En 1937, le record tombe à nouveau : Jean-Pierre Wimille salue à sa manière le retour de la course, annulée en 1936 pour des raisons de grèves. Il signe, outre la victoire avec son compère Robert Benoist, sur la Bugatti 57 G, un 5’13’’0, franchissant la barre des 150 km/h (155,179). Robert Mazaud récupère ce record, en 1939, menant sa Delahaye en 5’12’’, soit 155.627 km/h de moyenne.

La deuxième guerre mondiale vient stopper alors toutes compétitions automobiles.

En 1949, la course peut reprendre. Si le circuit reste identique, il faut attendre 1950 pour recommencer à battre des records quand Louis Rosier et la Talbot Lago T26 GS tournent en moins de 5 minutes, (4’53’’5) et à plus de 160 km/h (165.49). Par la suite, le record tombe tous les ans : Stirling Moss en 1951, Alberto Ascari en 1952 et 1953, l’occasion cette année-là pour dépasser les 180 km/h de moyenne au tour (181,642). On a fait les premières mesures de vitesse maximum dans les Hunaudières et une Cunningham C5-R flirte avec les 250 km/h (249,135).

En 1955, avec la formidable lutte entre Jaguar et Mercedes, Mike Hawthorn va dépasser 190 km/h et même frôler les 200 de moyenne au tour (196.963).

Ce cap est franchi deux ans plus tard, sur un circuit modifié dans la zone des stands après l’effroyable accident de 1955, et dont le développement passe à 13,461 lm. Le même Hawthorn va faire exploser les deux records : le mur des 4 minutes, avec 3’58’’7 et les 200 de moyenne, avec 203,015 km/h.

La réduction à trois litres des moteurs va réduire les vitesses et la progression du record du tour ne reprend qu’en 1962. En 3’57’’3, à 204,202 km/h de moyenne, Phil Hill signe le dernier record du tour d’une voiture à moteur avant, la Ferrari 330 TRI/LM. La passation de pouvoir est l’œuvre de John Surtees en 1963, avec une autre Ferrari, la 250 P à moteur central en 3’53’3, soit 207,714 km/h.

Puis, de 1964 à 1967, la lutte Ford/Ferrari attise alors les passions entre 1964 et 1967. Cette dernière année, Mario Andretti fixe un 3’23’’6 et 238,014 km/h de moyenne, avec une vitesse maximale de 343 km/h.

Il devient urgent de sonner la fin de l’escalade en changeant le règlement et en installant une chicane avant les stands pour ralentir les voitures. Le circuit mesure alors 13,469 km. Mais la naissance en 1969 de la Porsche 917 va permettre de nouveaux records. La 917 LH de Jackie Oliver, aidée par une vitesse de pointe supérieure à 380 km/h, signe un 3’18’’4, soit 244,38 km/h de moyenne en 1971.

Retour à une règlement plus drastique (prototypes 3 litres seulement) et dessin d’une nouvelle zone sinueuse pour éviter Maison Blanche. Sur un circuit mesurant maintenant 13,640 km, la moyenne au tour de la Lola T280 de Gijs van Lennep tombe à 3’46’’9 soit 216,423 km/h soit 28 secondes de perdues ! François Cevert améliore dès l’année suivante en repassant sous les 3’40’’ lors d’une lutte épique entre Matra et Ferrari. Nouveau duel de 1976 à 1978, entre Alpine et Porsche. Jean-Pierre Jabouille restera comme l’homme le plus rapide de ce tracé avec 3'34’’2, avec une vitesse de pointe de 362 km/h.

Des modifications au Tertre Rouge raccourcissent le circuit de quelques mètres, avec 13,626 km. Mais il faudra attendre l’arrivée des prototypes de la réglementation Groupe C (Porsche 956 et 962 C, Jaguar XJR 9 et 12) pour relancer la course au meilleur tour. Hans Joachim Stuck en 1988, 3’22’’5, et Alain Ferté en 1989 en 3’21’’3 repassent au-dessus des 240 km/h de moyenne au tour. A noter en 1988 les 405 km/h de la WM P88 de Roger Dorchy dans les Hunaudières. Record toujours en vigueur car depuis deux ralentisseurs font leur apparition dans la ligne droite en 1990, pour une perte de vingt secondes au tour. Mais la lutte entre Peugeot et Toyota va permettre de revenir en 3’27’’5 (235,9 km/h) réalisé par Eddie Irvine sur une TS10 en 1993

Lorsqu’une nouvelle chicane est installée dans la courbe Dunlop en 1997 (13,605 km), la moyenne au tour retombe à 223 km/h.  Après une dernière modification en courbe avant les esses de la forêt en 2007 (13,629 km), elle progressera lentement sous l’ère Audi avant que Peugeot ne vienne contester la suprématie allemande. En 2010, nous verrons ainsi le meilleur tour pour une voiture diesel en 3’19’’241 (Peugeot 908 HDi FAP). On est revenu quasiment aux performances des Porsche 917 avec un circuit beaucoup plus sinueux.

Depuis, les règlements continuent à régir les performances : les Le Mans Prototypes (LMP), puis Hypercar ont été conçues pour se limiter à un temps d’environ 3’30’’ au tour. C’est en 2019 que les dernières LMP1 signent leur record avec la Toyota TS050 HYBRID de Mike Conway, en 3’17’’297 (un peu moins de 250 km/h). Et pour l’heure, le meilleur tour en course de l’ère Hypercar est fixé en 3’27’’749 par la Toyota de Kamui Kobayashi. Avec autant de marques en compétition, l’édition du Centenaire va-t-elle permettre une reprise de la progression du record du tour en course ? Réponse les 10 et 11 juin prochains.

PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), 24 HEURES DU MANS - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) : détenteur du record absolu du circuit des 24 Heures depuis 2017, Kamui Kobayashi a signé quatre pole positions aux 24 Heures du Mans, qu'il a remportées en 2021 ; bien que contrainte à l'abandon en 1930, la Bentley Blower de Tim Birkin est la voiture la plus rapide de cette édition ; c'est après son retour chez Ferrari que Mike Hawthorn est le premier à franchir en 1957 la barre des 200 km/h de moyenne au tour au volant de cette 335 S partagée avec l'Italien Luigi Musso ; la Porsche 917 LH de Jackie Oliver et Pedro Rodriguez, la voiture de tous les records en 1971, est hélas contrainte à l'abandon en course ; en 2019, au volant de cette Toyota TS050 HYBRID, Mike Conway a fixé l'actuel record du tour en course en début d'épreuve, avant de terminer deuxième en compagnie de Kamui Kobayashi et Jose Maria Lopez.

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