P comme pole position, performance absolue et prestige
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P comme pole position, performance absolue et prestige

CENTENAIRE DES 24 HEURES – LE MANS, L’EXCEPTION┃Nous avons déjà évoqué ici l’évolution des records lors des 24 Heures du Mans : distance, tour en course… Il reste encore à aborder celui du meilleur tour en qualifications, alors que 2023 marque le soixantième anniversaire de la première pole position de l’histoire de la course.

Il s’agit là de la recherche la plus absolue de la performance. Le pilote et la voiture donnent sur un seul tour tout ce qu’ils ont dans le ventre. L’objectif, en dehors d’être le plus rapide en piste, est de pouvoir de prendre le départ tout en haut de la grille et d’être le premier leader des 24 Heures du Mans au moment du départ, sous l’œil de tous les (télé)spectateurs et les objectifs des caméras de télévision du monde. Pourtant, comme le disait Neel Jani (double poleman en 2015 et 2016), « la pole ne sert à rien au Mans, c’est juste une question de prestige ».

Si on remonte loin dans l’histoire des 24 Heures du Mans, les essais chronométrés n’ont pour but pour les constructeurs que de montrer leurs muscles en termes de performances, ou, pour les plus petites cylindrées, de prouver qu’elles peuvent boucler un tour à une vitesse suffisamment rapide pour pouvoir être qualifiées pour la course…

Car de 1923 à 1962, les voitures s’alignent en épi sur la ligne droite des stands en fonction… de l’ordre décroissant de la cylindrée des moteurs et non des performances en qualifications. Pensait-on alors que seule la cylindrée fixait le niveau de performance des voitures ? C’est d’ailleurs pourquoi la mémoire collective n’a pas retenu les temps des essais (libres) jusqu‘en 1962…

Un moment de vitesse pure

Ce n’est donc que depuis 1963 que les meilleurs temps des essais (à l’époque toutes les séances, du mercredi et du jeudi précédant la course, étaient qualificatives) sont pris en compte pour l’ordre de mise en épi des voitures jusqu’en 1970, puis pour déterminer la grille de départ en format de deux voitures par ligne à compter de 1971.

Tout comme le kilométrage parcouru ou le record du tour en course, l’exercice de la pole position dépend d’un certain nombre de paramètres et de contraintes, comme le règlement qui détermine bien souvent la cylindrée maximum (pour limiter la puissance) et limite les possibilités aérodynamiques ; comme le circuit qui évolue d’année en année, avec surtout une optique de ralentissement (chicane Dunlop, chicanes dans les Hunaudières, Virages Porsche, chicane Ford…) ; comme la météo, si l’année est pluvieuse durant les séances de qualification (depuis quelques années, il n’y a plus qu’une séance qualificative en lieu et place des qualifications sur deux jours). Mais il y a surtout l’habilité des pilotes.

Car pour signer une pole position, c’est bien souvent le pilote qui fait la différence. Surtout pour battre les autres voitures du même modèle… Ainsi, seuls des grands noms ont obtenu la pole position au Mans : des champions du monde de Formule 1, des pilotes de F1 et/ou vainqueurs de Grand Prix, des pilotes de circuit dont la pointe de vitesse et le sang-froid ne sont plus à démontrer.

Durant les qualifications, toute notion d’endurance est dépassée. Seule reste la vitesse pure, l’effort pour extirper le meilleur de la voiture durant un peu plus de 13,6 km et un plus de trois minutes…

Dix polemen pour la légende

Dix pilotes ont réussi à signer deux ou plus pole positions. Ainsi en est-il de Jacky Ickx (cinq), Kamui Kobayashi (quatre), Stéphane Sarrazin, Dindo Capello et Bob Wollek (trois), Pedro Rodriguez, Jean-Pierre Jabouille, Hans-Joachim Stuck, Jean-Louis Schlesser, Philippe Alliot et Neel Jani (deux). Dans ce top 10 exclusif, seuls Ickx, Kobayashi et Sarrazin ont signé trois poles d’affilée.

Ils sont également dix à avoir converti une pole position en victoire : Henri Pescarolo (1974), Jacky Ickx (1975, 1981, 1982), Michele Alboreto (1997), Tom Kristensen (2003), Benoît Treluyer (2011), André Lotterer (2012), Loïc Duval (2013), Neel Jani (2016), Kamui Kobayashi (2021) et Brendon Hartley (2022).

Mais aucun d’entre eux n’a réussi l’exploit du « Hat Trick », qui désigne dans le jargon anglophone du sport automobile l’obtention de la pole position, de la victoire et du meilleur tour en course sur une seule et même épreuve !

Toujours plus vite

Le chrono de la pole position a été régulièrement amélioré au rythme des évolutions des règlements et des changements du circuit. En 1963, Pedro Rodriguez signe la pole en 3’50’’90. Quatre ans plus tard, en 1967, Bruce McLaren passait le premier sous la barre des 3’30’’ en 3’24’’40, soit 16 secondes plus rapide, dans le contexte de la lutte historique entre Ford et Ferrari.

En 1971, le premier poleman de l’histoire des 24 Heures Pedro Rodriguez, sur une Porsche 917 longue queue de 5 litres atteignant les 390 km/h dans les Hunaudières, signe un 3’13‘’90 historique (à seulement trois dixièmes du record de 3'13'6 établi par son coéquipier Jackie Oliver lors des essais préliminaires d'avril), passant pour la première fois en qualifications le cap des 250 km/h de moyenne au tour. Dès 1972 le règlement limite à 3 litres les moteurs et le circuit est ralenti avec la création des virages Porsche. Il faut attendre le milieu des années 1980, pour Hans-Joachim Stuck parvienne à prendre la pole en 3’14'800 lors de l’édition 1985. En 1988 et 1989, la pole reste en 3’15’’, avant que l’ACO ne soit contraint de couper en trois la ligne droite des Hunaudières avec deux ralentisseurs, faisant perdre une douzaine de secondes aux voitures sur un tour.

Dans les années 2010, l’apport des technologies hybrides dope les moteurs et la Toyota de Kamui Kobayashi réalise un temps 3’14’’791 en 2017. Paradoxe qui affirme la singularité et les évolutions du circuit des 24 Heures : après Stuck en 1985, le Japonais atteint les 251 km/h de moyenne au tour et devient sur cette base le nouveau recordman du circuit.

De la pole position à la course

Il est intéressant de comparer le meilleur tour en qualifications et celui en course. En 1963 donc, Rodriguez obtient la pole en 3’50’’90, tandis que le meilleur tour en course est l’œuvre de John Surtees en 3’53’’3, soit 3,4 secondes moins rapide. En 1971, entre la pole de Rodriguez et le meilleur tour en course de son coéquipier Jackie Oliver, il n’y a que 0,5 secondes d’écart. En 1981, la pole revient à Jacky Ickx en 3’29’’44 et le meilleur tour à Hurley Haywood en 3’34’’ 00, soit 4’’5 secondes de différence. En 2001, l’écart est de 3,5 secondes entre Dindo Capello (Pole en 3’32’’429) et Laurent Aiello (meilleur tout en course en 3’33’’482).

Mais si un écart de 3 à 4 secondes semble la règle, indiquant la différence entre la voiture réglée pour la vitesse pure et celle réglée pour la course, les années 2010 sont celles d’un grand bouleversement. En effet, lors de la lutte Audi-Peugeot, l’écart qualification/course ne dépasse jamais la seconde. Les 24 heures d’endurance deviennent dès lors une épreuve de sprint…

Ces dernières années, une Hyperpole est organisée avec les six voitures les plus rapides en qualifications dans chaque catégorie. Moins de voitures en piste, plus d’attaque pour les pilotes : c’est un spectacle intense, une bataille à coups de millièmes de seconde. Avec Toyota, Ferrari, Porsche, Cadillac et Peugeot pour obtenir la pole position de cette édition majeure et médiatique du Centenaire, le spectacle sera somptueux !

PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS 1963-2017 - DE HAUT EN BAS (D.R. / ARCHIVES ACO) : Jacky Ickx détient depuis quarante ans le record du nombre de pole positions (1975, 78, 81, 82 et 83) ; dernière Ferrari à moteur avant vue dans la Sarthe, cette 330 TRI LM (n°10) a signé grâce à Pedro Rodriguez (elle est ici aux mains de son coéquipier Roger Penske) la première pole position de l'histoire de 24 Heures ; Jacky Ickx (casque noir en 1975, n°11) est aussi le pilote qui a signé le plus grand nombre de victoires depuis la pole position (trois en 1975, 81 et 82) ; au volant de la Porsche 917 LH (n°18), Pedro Rodriguez franchit pour la première fois le cap des 250 km/h de moyenne au tour en 1971 ; trois des pilotes les plus rapides de l'histoire des 24 Heures étaient coéquipiers chez Toyota en 2017, avec de gauche à droite Stéphane Sarrazin (trois pole positions consécutives en 2007, 2008 et 2009), Kamui Kobayashi (qui n'est plus qu'à une pole du record de Jacky Ickx) et Mike Conway (détenteur depuis 2019 du record du tour en course).

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