En revenant ensemble sur leur victoire commune avec la Ferrari 499P #83 d’AF Corse, Robert Kubica, Yifei Ye et Phil Hanson révèlent trois visions complémentaires de l’endurance : celle d’un ancien pilote de Formule 1 qui rappelle que chaque relais n’est que l’ultime maillon d’un immense travail collectif ; celle d’un jeune talent pour qui Le Mans représente autant un accomplissement sportif qu’un symbole personnel et national ; et celle d’une ancienne tête d’affiche du LMP2 qui voit dans cette catégorie l’école idéale pour accéder à l’Hypercar.
Trois récits singuliers qui racontent, chacun à leur manière, la portée exceptionnelle d’un même triomphe.
Robert Kubica, le dernier maillon d’une grande chaine
À l’heure de revenir sur l’intensité de la 93e édition et de ses relais, Robert Kubica met en lumière l’essence même de l’endurance : un effort collectif. Dans ses mots, on perçoit autant la pression du moment que le profond respect qu’il porte à ceux qui œuvrent dans l’ombre. Voici ce qu’il confie : « Il est vrai que j’ai réalisé 166 des 387 tours couverts par notre voiture durant la course, mais cette statistique me parait anecdotique. Les 24 Heures du Mans sont un défi pour les pilotes, mais pas uniquement. C’est un challenge pour les ingénieurs, les mécaniciens, et tous ceux qui travaillent sur la voiture tout au long de la saison dans l’atelier. Si bien que, les tours que j’effectue ne sont que les derniers maillons d’une grande chaîne. Sans toutes ces personnes, je ne serais pas là.
Quand la course touche à sa fin, vous savez ce qui est en jeu. Il y a un peu de pression. C'était un moment particulier, car nous avions déjà vécu cette situation il y a quatre ans, alors que nous étions en tête en LMP2, et que nous avions perdu la course au dernier tour à cause d'un problème technique. C’était plus facile pour moi de piloter plutôt que d’être dans le stand, comme il y a quatre ans. J’étais concentré, et c’était intense. »
Yifei Ye : comme une victoire à domicile
Promu pilote officiel Ferrari en décembre 2023, Yifei Ye vit sa victoire aux 24 Heures du Mans comme bien plus qu’un triomphe sportif : un moment historique pour son pays. « En Chine, dans les sports mécaniques, il n’y a jamais eu de succès aussi important que le mien aux 24 Heures du Mans. Je suis heureux d’être devenu le premier pilote chinois à remporter la course. J’ai vraiment été surpris par les réactions que mon succès a suscité sur les réseaux sociaux et les chaines de télévision. Cela a attiré beaucoup d’attention, et je pense que c’est bon pour les 24 Heures du Mans et le FIA WEC. Ça constitue également de la motivation pour continuer à bien faire. Je suis content d’avoir pu remporter la course aux côtés de Robert, car en 2021 nous avions été contraints à l’abandon dans le dernier tour alors que nous étions leaders de la catégorie LMP2. C’est une victoire que je n’oublierais jamais. »
Mais comment un pilote chinois peut-il considérer sa victoire aux 24 Heures du Mans comme un succès à domicile ? Il répond : « Je connais bien Le Mans car, à l’âge de 14 ans, j’ai quitté ma Chine natale pour m’installer ici et rejoindre la FFSA Academy. L’appartement dans lequel j’habitais était situé à proximité des S de la Forêt. J’ai même passé mon permis ici, et je me souviens que mon moniteur n’était pas très content lorsque j’ai fait patiner les roues de la voiture lors de ma première leçon (rires). Si bien que c’est comme si j’avais gagné une course à domicile. »
Phil Hanson ou la formidable école de la catégorie LMP2
Avant de rejoindre la catégorie Hypercar en 2024, Phil Hanson avait disputé six éditions des 24 Heures du Mans en LMP2, décrochant notamment la victoire en 2020 avec United Autosports. Il considère le LMP2 comme un véritable tremplin vers la catégorie reine de l’endurance : « En tant que pilote, vous gagnez énormément d’expérience au fil de vos participations. Je pense qu’il n’y a pas réellement de plafond à la quantité d’expérience que vous pouvez acquérir, car chaque année, vous êtes confrontés à des circonstances de course différentes. Cette 93e édition était une véritable épreuve d’usure. Comme en LMP2, nous étions constamment à fond. Mes précédentes saisons dans cette catégorie m’ont été très utiles. D’autant qu’elles m’ont aussi permis de faire connaissance et d’affronter Robert et Yifei. »