En 2014, lorsque le nouveau règlement technique LM P1 est entré en vigueur, les trois constructeurs, Audi, Toyota et Porsche ont fait des choix radicalement différents. Audi reste sur une approche conservatrice et remporte les 24 Heures du Mans, Toyota part dans une voie intermédiaire et est sacré Champion du Monde d’Endurance des Constructeurs en fin d’année et Porsche a opté pour une solution très innovante qui a entraîné des soucis de fiabilité.

En 2015, la donne a été complètement bouleversée avec les mêmes concepts technologiques : Porsche, enfin fiable, domine outrageusement la saison. Audi parvient à lutter en termes de performance, mais pèche au niveau de la fiabilité et Toyota connaît la situation inverse avec une voiture sûre, mais à la peine en vitesse pure. Concept dépassé ? "Non, répond Pascal Vasselon, Directeur Technique de Toyota Gazoo Racing, chaque année a sa vérité, celle-ci évoluant dans le temps. Lorsque nous avons choisi d’utiliser des super-condensateurs pour stocker l’énergie récupérée au freinage, nous pensions qu’ils constituaient la meilleure solution. Nous avions eu raison puisque nous avons été titrés en fin d’année, mais nous savions depuis le début que nous serions contraints de passer aux batteries lithium-ion car le développement de ces dernières évolue plus rapidement que celui des super-condensateurs."

Contrairement aux voitures de route, pour lesquelles la capacité de stockage est primordiale puisqu’elles doivent être capables d’effectuer un parcours le plus long possible, les voitures de course nécessitent une densité de puissance importante, c’est-à-dire une capacité à délivrer beaucoup de puissance rapidement, car l’énergie est stockée sur un laps de temps très court, entre deux zones d’un circuit où l’utilisation de l’énergie emmagasinée est autorisée par le règlement.

Certes, les supercondensateurs, systèmes électrochimiques, ont un avantage sur les batteries : ils restituent l’énergie emmagasinée plus rapidement, mais les applications industrielles des super-condensateurs étant plus limitées que celles des batteries, la recherche dans ce domaine est plus lente. "Chez Toyota, la culture hybride est très ancrée, poursuit Pascal Vasselon. Le département chargé de la conception des systèmes hybrides des voitures de série assure aussi le développement du système hybride du prototype en endurance. Cela nous permet de suivre de près les progrès en matière de recherche et d’avoir des relations privilégiées avec les fabricants de tous les produits dans le domaine de l’énergie. Nous sommes arrivés à un moment où le choix des batteries nous semble plus pertinent."

Exit donc les supercondensateurs et place aux batteries. En revanche, le constructeur japonais conserve ses deux systèmes de récupération d’énergie au freinage, sur les essieux avant et arrière. "Même si nous passons à un moteur turbo, la récupération des gaz d’échappement ne nous paraît pas être la meilleure option, insiste Pascal Vasselon. En tout cas pour le moment."

Effectivement, un V6 turbo remplace le V8 atmosphérique utilisé depuis les débuts du projet : "le moteur V8 atmosphérique avait le mérite d’exister, d’être fiable et donc de ne pas alourdir la facture de développement, confie l’ancien Responsable de la F1 chez Michelin. Nous aurions pu choisir un V4, comme Porsche, mais le V6 nous semble le meilleur compromis entre fiabilité et performance Quant au turbo, il permet d’être optimal partout, quelles que soient les circonstances (altitude, température,…) alors que le moteur atmosphérique avait une plage de fonctionnement plus limitée."

Si chez Audi, la R18 se contente de troquer son volant d’inertie, une roue qui tourne très vite, pour des batteries lithium-ion sans toucher au type de moteur, la TS050 Hybrid se veut radicalement différente de la TS040 Hybrid qui l’a précédée : "il faut choisir la bonne technologie au bon moment," conclut Pascal Vasselon. La TS050 Hybrid permettra-t-elle à Toyota de décrocher une première victoire aux 24 Heures du Mans tant désirée ? Réponse le 19 juin à 15 heures…

Propos recueillis par Cécile Bonardel / ACO