Beaumesnil Boullier
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Beaumesnil Boullier

VB

Vous souvenez-vous de la première fois que vous vous êtes croisés ?

Eric Boullier. Février 1999 chez Dams où je débarque pour un stage de fin d’étude.

Vincent Beaumesnil. Moi, j’étais déjà dans les murs. Salarié depuis quelques années déjà. 

 

Quel est votre premier souvenir des 24 Heures ?

VB. L’édition 1982. Mon père et mère travaillaient pour l’écurie NART de Luigi Chinetti. La Ferrari 512 BB avait fini 5e au général cette année-là. J’ai des souvenirs dans le box. J’avais 11 ans.

EB. Il y avait le concessionnaire BMW – Roland Bassaler - à côté de chez moi à Laval qui avait acheté un châssis Sauber pour y installer un moteur BMW. Je passais plusieurs fois par jour pour regarder la voiture et ils en ont eu marre de me voir. Ma mère a saisi l’occasion pour leur dire que je cherchais un petit boulot pour les vacances de Pâques. Ils m’ont pris pour nettoyer les voitures des clients et, quand j’avais terminé, je pouvais passer dans l’atelier pour voir la voiture de course. J’avais 13 ans.

 

Quelle est votre première fois en tant qu’acteur ?

VB. Bénévole ou salarié ? Car on a tous commencé par nettoyer des roues, laver des boxes…

EB. Et dormir dans les camions…

VB. En 86, je pense que j’avais dû commencer à faire un peu de panneautage. Je n’étais pas salarié, mais j’avais eu un petit quelque chose.

EB. Pareil de mon côté, mais j’étais ce que les américains appellent un « gopher ». Je chargeais et déchargeais les camions, je nettoyais les roues, tout ce que les gens qualifiés ne font pas. Là, tu vivais vraiment les 24 Heures… Dix-sept heures de boulot, couchage dans la semi, etc. C’était en 95, l’année où Dalmas s’impose avec la McLaren mais n’y voyez aucun signe (rires).

 

Et comme acteur salarié ?

VB. Avec Michel Ferté en 1997 quand il faisait rouler une Ferrari 333 SP avec sa structure RFR Sport.

EB. Avec DAMS en 2000, et la Cadillac Northstar LMP.

VB. On a réussi à le faire bosser sans le payer, mais ça n’a duré qu’un an (rires).

"Le retour du GP de France a été pour nous une bonne nouvelle. Ca créé une synergie extrêmement positive."
Vincent Beaumesnil

Aujourd’hui vous êtes, Vincent, directeur sportif des 24 Heures et vous, Eric, ambassadeur du GP de France. Qu’est-ce qui rapproche et éloigne ces deux épreuves phares du calendrier national et international ?

VB. Je crois que la différence majeure entre les deux épreuves est que nous sommes, au Mans, une organisation globale. Le schéma habituel est celui d’un promoteur qui s’installe sur un circuit. L’ACO de par son origine et son histoire a créé sa piste, défini ses règlements, recruté ses commissaires et médecins, vends ses casquettes dans le village… Elle fait tout de A à Z. C’est l’histoire qui veut cela. Peut-être que si nous devions démarrer de zéro aujourd’hui, les choses seraient différentes. La F1 est aussi sur des critères différents des nôtres, où tout est plus extrême. Ceux du Mans restent, à mon sens, plus populaires. Et puis, il y a la dimension du site et la durée de l’épreuve. Le Mans, c’est trois semaines pour les écuries et une semaine pour le public. Le retour du GP de France a été pour nous une bonne nouvelle, et la proximité des dates fait de la France devient la nation mondiale du sport auto pendant quinze jours. Ca créé une synergie extrêmement positive.

EB. Le Mans possède son circuit et est en charge de son règlement, en plus d’être promoteur. Pour sa part, le GP de France s’installe au Paul Ricard et ne décide pas de la réglementation. Il paie une somme à Liberty Media qui amène la F1, F2 et F3. Après, il doit y avoir une différence entre la clientèle de la MotoGP et des 24 Heures Motos, comme il y a une différence entre la clientèle des 24 Heures du Mans et du GP de France F1 au Paul Ricard. Il y a évidemment le fan absolu qui voudra assister au deux, mais, majoritairement, ce n’est pas la même population. Je vois le rapprochement des dates comme une complémentarité.

"Combien de fois, ai-je utilisé Le Mans comme modèle ! Il faut occuper les spectateurs en dehors de la piste et, depuis très longtemps, Le Mans y parvient."
Eric Boullier

La nécessité de créer des animations en marge des activités en piste est assez nouvelle en F1, alors que c’est une vieille tradition au Mans. Les 24 Heures ont-elles été précurseurs en la matière ?

VB. Beaucoup de personnes reviennent ; ce qui nous vaut un taux de renouvellement excellent. Nos spectateurs viennent pour trois ou quatre jours et ils vivent tout un tas d’expériences qui ne se limitent pas à regarder une course. Nous avons toujours eu la fête foraine. La dimension du site nous offre tout un tas de possibilité. C’est moins mon domaine puisque je m’occupe de l’aspect sportif mais il y a une vraie tradition mancelle à ce niveau.

EB. Combien de fois, ai-je utilisé Le Mans comme modèle ! La F1 est très nombriliste, et je me souviens de Grands Prix avec aucune autre activité que celle de la piste. Sur un Grand Prix, il faut occuper les gens durant 36 heures du samedi matin au dimanche soir. Il faut les occuper en dehors de la piste et, depuis très longtemps, je cite Le Mans en exemple. Aujourd’hui, le modèle que Liberty privilégie est celui-là. Au Grand Prix de France cette année, il y a deux villages, des concerts tous les soirs. La course devient un fil rouge. On vient voir ce qui se passe sur la piste, puis on va profiter des diverses expériences proposées.

VB. Le plateau sportif est la raison principale de leur venue, mais c’est tout ce qu’il y a autour qui les fera revenir !

 

Tant la F1 que Le Mans planchent sur une nouvelle réglementation technique. Le défi est-il le même : garder l’ADN de la discipline tout en pimentant le spectacle en piste ?

VB. Ce sont les mêmes revendications : technologie, contrôle des coûts et bagarre en piste ! Nous en sommes tous là, sauf que c’est terriblement difficile à combiner. Le coût est actuellement au centre du débat car on ne peut plus se permettre de dépenser des sommes ahurissantes pour faire de la course automobile. Les constructeurs automobiles ne sont plus d’accord pour cela et il y a un virage à prendre. Au Mans, nous jouons avec des paramètres techniques assez différents de ceux de la F1. On accueille des voitures avec des profils différents, des architectures différentes et nous sommes peut-être moins dans les détails que ne l’est la F1. Notre ADN est la diversité. Il y a toujours eu cela au Mans et notre mission est de poursuivre dans cette voie même si ça peut rendre les choses plus compliquées à gérer.

EB. Ce sont des concepts et des esprits différents. Roues ouvertes d’un côté, carrosseries fermées de l’autre. Le Mans, c’est la durée. La F1, c’est est le sprint. Il faut faire en sorte que les forces se resserrent et c’est ce que la F1 tente de réussir. C’était très serré en 2012/13 avec pas mal de vainqueurs durant la saison. L’arrivée du moteur turbo/hybride a tout changé. Aujourd’hui, ils prennent le risque de tout chambouler. Pourquoi pas, mais il faut que cela s’accompagne d’un contrôle financier. Si l’on veut atteindre ce que tout le monde souhaite, il ne faut pas bouger.

VB. C’est vrai, la stabilité est la règle d’or. Nous avons été contraint au changement de par la brutalité des départs de Constructeurs, et il nous a fallu réagir. Mais, sur le principe, je suis d’accord avec Eric, il faut privilégier la stabilité.  

PHOTO : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES DU MANS, 2019. Vincent Beaumesnil et Eric Boullier, une amitié de vingt ans et une vision similaire du sport automobile.

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