L’expression "F1 carrossée" fut souvent employée dans l'histoire du Mans pour qualifier une voiture aux formes torturées. Ce fut notamment le cas pour la Peugeot 905 et son capot avant plat, pour la Toyota GT-One et ses ailes ajournées, ou encore pour l’Audi R18 et ses mystérieux flux d’air internes. Le parallèle s’avère pourtant galvaudé tant la philosophie d’un Le Mans Prototype (LMP) s’éloigne de celle d’une monoplace. En réalité peu de points communs rapprochent les deux disciplines. Il existe une exception toutefois, une "vraie" Formule 1 carrossée, la Talbot-Lago T26 de 1950.

L’édition 1950 est souvent présentée comme celle de l’exploit d’un héros, Louis Rosier, qui œuvra durant la quasi-totalité de l’épreuve, ne laissant à son fils Jean-Louis qu’un relais de deux petits tours. Derrière la prouesse de l’homme se cache celle, moins connue, d’une machine aussi efficace sur 300 km que sur plus de 3 000 : la Talbot-Lago T26.

Avec son moteur 6 cylindres atmosphérique, elle se révèle d’entrée moins puissante que ses concurrentes italiennes suralimentées (Alfa Romeo, Maserati, Ferrari), mais compense cette faiblesse par son homogénéité et sa remarquable sobriété. Victorieuse au Grand Prix de Belgique 1949, elle permet à son pilote Louis Rosier de se classer 4ème du premier championnat du monde de F1 en 1950.

Les qualités intrinsèques du modèle incitent Antony Lago à en décliner une version "Grand Sport" dont les modifications ne sont que mineures : élargissement léger du cockpit pour recevoir une seconde place (règlement oblige) ; ajout des indispensables garde-boue, éclairages et roue de secours (apparente). Puisqu’on "ne change pas une équipe qui gagne", on confie le véhicule à Louis Rosier qui, justement, ne fera pas preuve d’un fort esprit d’équipe…

Aujourd’hui encore, l’exemple de la Talbot-Lago T26 reste unique dans l’histoire. La longévité imposée aux V6 de F1 en 2014 (cinq par pilote dans la saison) leur permettra peut-être de se faire une place en endurance… Mais il ne s’agirait là que des moteurs.