Photo : Pierre-Yves Riom / ACO
Pour l’édition 1956 des 24 Heures du Mans, 365 jours après le terrible drame, les spectateurs encore ébranlés découvrent les modifications apportées au circuit de la Sarthe, tant pour les concurrents que pour le public. Outre une refonte complète de la voie des stands avec la mise en place d’une zone de décélération et l’élévation des gradins frontaux, la création d’un échappatoire à Arnage et la construction de deux passages souterrains pour piétons, une zone de panneautage fait son apparition à la sortie intérieure du virage de Mulsanne. Ce qui est à l’origine une nécéssité technique et sécuritaire deviendra au fil du temps l’un des lieux les plus mythiques et emblématiques du grand circuit manceaux.
Harnaché, casqué, concentré, ganté, les mains sur les différentes commandes de sa voiture, le pilote de course vit d’intenses moments de solitude lorsqu’il officie en piste. Toutefois, un lien de communication direct avec son stand lui permet de connaître toutes les informations dont il a besoin pour mener sa course le plus efficacement possible. À l’approche des années 60, les niveaux de performance atteints par les voitures d’endurance sont considérables et les équipes officielles engagées (Jaguar, Porsche, Ferrari, Aston Martin) préparent les 24 Heures du Mans avec une exigence hors du commun. Si les avancées technologiques impactent prioritairement les performances des autos, aucun système viable de radiocommunication n’existe au milieu des fifty's. Avec des compétitions de plus en plus disputées et des voitures extrêmement rapides, les informations transmises visuellement aux pilotes sont alors indispensables et doivent être qualitatives.
Tirant de nombreux enseignements après le dramatique accident de Pierre Levegh et Lance Macklin en 1955, l’Automobile Club de l’Ouest aménage une aire de communication entre pilotes et équipes dans la zone la plus lente du tracé. Les pilotes, lancés à près de 300 km/h depuis l'entonnoir de Maison Blanche, ne seront désormais plus déconcentrés ou perturbés par les panneaux, parfois de fortune, qui leur sont présentés par leurs mécaniciens. Au bout de la ligne droite des Hunaudières, après six kilomètres passés à pleine vitesse au cœur d’un paysage bien plus pelé que de nos jours, les concurrents jouent les équilibristes à l’approche de ce freinage audacieux. Une fois les roues braquées à droite, à faible allure, ils peuvent désormais lire sans danger les informations capitales du panneateur, informé du stand par radio.
Cette zone, avant-tout conçue pour la sécurité de tous, devient alors l’un des endroits les plus plébicités du circuit du Mans. Animée de jour comme de nuit par les membres des écuries, la zone de panneautage propose aux puristes comme aux curieux un spectacle unique. Ainsi, il est courant d’apercevoir les pilotes communiquer de la tête et des mains avec le membre de leur équipe dépêché à cette extrémité du circuit, une tradition qui perdurera jusqu’à l’édition 1990. Dès 1991, le plus gros chantier qu’ait connu le circuit des 24 Heures du Mans cèlera ainsi la fin de l’utilisation de la zone de panneautage au virage de Mulsanne au profit d’une configuration classique dans la ligne droite des stands. Le complexe central se pare alors de 46 stands plus spacieux et plus modernes, surmontés d’une tribune de 2900 places, d’une piste de décélération élargie, d’un paddock réaménagé et d’un nouveau module sportif sur cinq niveaux.
Pierre-Yves Riom / ACO