En 1984, le retour de Jaguar en prototypes est au départ une initiative américaine. Grands animateurs du championnat d'endurance américain IMSA, l'équipe Group 44 et son patron pilote Bob Tullius engagent deux Jaguar XJR 5. Celles-ci sont contraintes à l'abandon, mais effectuent tout de même une prestation prometteuse, pointant régulièrement dans le top 10 du classement général. Group 44 revient en 1985, et l'une d'entre elles reçoit le drapeau à damier : la XJR 5 de Claude Ballot-Léna, Bob Tullius et Chip Robinson termine treizième.

En 1986, l'engagement de Jaguar aux 24 Heures du Mans change de dimension, avec l'arrivée aux commandes du Britannique Tom Walkinshaw. Pilote (deux victoires aux 24 Heures de Spa, en 1981 et 84) et propriétaire de TWR, il a déjà mené un programme Jaguar avec le coupé XJS en Championnat d'Europe des Voitures de Tourisme, avec le titre à la clé à l'issue de la saison 1984. Avec le plein soutien de John Egan, grand patron de la marque britannique, Tom Walkinshaw se fixe pour objectif de battre Porsche dans son jardin manceau, où le constructeur allemand est invaincu depuis 1981.

Cette offensive britannique commence donc en 1986, avec trois voitures au départ. La montée en puissance de Jaguar s'accompagne d'un recrutement de pilotes de tous horizons : venus de la Formule 1 (Jan Lammers, Eddie Cheever, Raul Boesel, Martin Brundle, Johnny Dumfries), complices des années en Championnat d'Europe des Voitures de Tourisme (Win Percy, Hans Heyer, Armin Hahne), pilotes américains ou expatriés outre-Atlantique (Derek Daly, Kevin Cogan, Danny Sullivan, Price Cobb), jeunes espoirs (Andy Wallace), vieux routiers des 24 Heures du Mans (Brian Redman, Jean-Louis Schlesser, John Nielsen) et aussi des anciens vainqueurs comme Hurley Haywood et Henri Pescarolo. "Nous étions un peu comme une bande de mercenaires venus du monde entier," se souvient ce dernier, recruté pour les 24 Heures 1988. Effectivement, cette "horde" de pilotes venait des Pays-Bas, du Royaume-Uni, d'Autriche, du Brésil, des Etats-Unis, du Danemark ou encore de France.

En 1986, les trois XJR 6 sont contraintes à l'abandon, et l'année suivante, la seule des trois XJR 8 LM à l'arrivée termine cinquième, pilotée par Jan Lammers, Raul Boesel et Eddie Cheever, qui ont longtemps figuré en troisième position. Et en début de course, celle de John Nielsen-Martin Brundle-Armin Hahne joue les trouble-fête entre la première et la deuxième position jusqu'à son abandon. Voilà Porsche prévenu, tout est prêt pour le grand duel de 1988. Il sera somptueux.

Cette année-là, Jaguar débarque en force dans la Sarthe, avec cinq voitures. En course, l'écart entre la Jaguar XJR 8 LM des futurs vainqueurs Jan Lammers-Johnny Dumfries-Andy Wallace et la Porsche 962 C de Klaus Ludwig-Hans Joachim Stück-Derek Bell (dix victoires au Mans à eux trois !), partie depuis la pole position, n'excède pas les deux tours... Mais 31 ans après sa dernière victoire, Jaguar s'impose à la grande joie des très nombreux supporters britanniques chauffés à blanc. "L'ambiance de la tribune de la ligne droite des stands en face des stands Jaguar, c'était le stade de Twickenham pendant un match de rugby du Tournoi des 5 Nations," rappelle Jean-Marc Teissèdre, auteur de l'annuel officiel des 24 Heures.

Une autre victoire suivra en 1990... mais un autre protagoniste s'invite dans le groupe de tête : Sauber-Mercedes. Une histoire à suivre dans le prochain épisode !

 

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Les grands duels de l'histoire du Groupe C (1) - Porsche et Lancia 1983-1985

Photo : Trente et un ans après sa dernière victoire, Jaguar signe en 1988 son sixième succès aux 24 Heures du Mans.