Aux voitures d’avant-guerre avec garde-boues au-dessus des roues se mêlent les nouveautés, dont la Ferrari 166 MM qu’Enzo « le patron de Modène », qui connait la fragilité de sa boîte et de son embrayage, aurait préféré ne pas voir courir mais Luigi Chinetti l’a convaincu. Peut-être même lui a-t-il dévoilé sa stratégie...
Toujours est-il que le vendredi, veille de la course, Luigi rend visite à son ami Maurice Génissel, distingué patron du Restaurant des Hunaudières et hôtel de l’hippodrome, véritable quartier général des pilotes depuis l’origine des 24 Heures. Il est accompagné de son coéquipier Peter Mitchell-Thomson, alias Lord Selsdon, déjà vu aux 24 heures à plusieurs reprises et qu’il a convaincu d’acheter la Ferrari. Il fait très beau et en terrasse, nos compères refont le monde autour d’une bouteille de cognac. Tandis que le rusé Luigi expédie les verres par-dessus son épaule dans les bacs de géraniums dont madame Génissel orne sa terrasse, notre Lord se lâche... et force est de constater que le vendredi soir, la chambre de l’hôtel de Paris au Mans est la bienvenue.
L’histoire raconte qu’il faudra attendre dimanche matin pour voir Lord Selsdon émerger et réapparaître au circuit où personne ne songerait à lui refuser un relais au volant de « sa » voiture. Ce sera en une heure et douze minutes le seul relais de ses 24 Heures. Bien qu'ankylosé, Luigi Chinetti ne laissera à personne le soin de parachever sa folle équipée victorieuse au volant de cette petite merveille au V12 de 2 litres de cylindrée. Chinetti, dont c'est la troisième victoire, rétablit là son déficit d’heures de pilotage de 1932, où il avait laissé Raymond Sommer au volant pendant une vingtaine d’heures.