Il y a 20 ans, elle était en avance sur son temps !

A défaut d’avoir marqué l’histoire, ce prototype en a inspiré bien d’autres et son influence se fait encore sentir 20 ans après.
Birmingham (Royaume-Uni), janvier 1992 :
Disparu trente ans plus tôt, le logo Allard ressuscite sur le capot d’un prototype qui frappe instantanément les esprits par son avant-gardisme. Alors que les standards du moment, Peugeot 905 et Toyota TS010, donnent dans les lignes épurées, lui se caractérise au contraire par des traits tortueux qui épousent au plus près les contours des éléments mécaniques. Suivant la même logique, les roues carénées sont complètement séparées du corps de la machine... Peut-être un clin d’œil à l'originale Allard J2 (3ème en 1950) ?
Ok pour l’innovation, mais quid du rendement ?
Pour décider les investisseurs d’Acura (Honda), trois tests sont organisés sur le sol américain (Mid-Ohio, Talladega, Road Atlanta) entre août et novembre 1992. Malgré quelques problèmes de jeunesse, le concept se révèle convaincant aux yeux de ses créateurs. Toutefois, l’hésitation du constructeur japonais contraint le commando à chercher une solution alternative… Qu’ils ne trouveront jamais !
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La Allard J2X-C avait été étudiée en soufflerie afin de minimiser le phénomène de sous-virage, principal défaut des prototypes. Elle est présentée au salon Autosport Show de Birmingham en janvier 1992. |
Selon son responsable d'exploitation, Gordon Friend, la voiture était « très compliquée pour les mécaniciens en raison de la difficulté d’accès aux éléments mécaniques tels que le V8 Ford Cosworth issu de la Formule 1. » |
Trois p'tits tours et puis…
C’est tant bien que mal qu’Allard se présente à la Journée Test des 24 Heures du Mans 1993. Ne couvrant que très peu de tours et affichant des chronos plus lents que ceux des meilleurs GT, l’engin brut de carbone ne convainc pas les organisateurs… Ni même sa propre équipe ! Il réapparait pourtant aux mains d’un autre groupe en juillet à l’occasion d’une manche du championnat américain à Laguna Seca. Dans sa nouvelle robe rouge, il se classe 9e à 17 tours des vainqueurs, puis disparait à jamais des compétitions sans n’avoir rien prouvé…
Un gâchis ?
Et pourtant, l’avenir allait confirmer la pertinence du concept puisque, vingt ans plus tard, ses formes ne semblent toujours pas démodées en comparaison aux références actuelles que sont les Audi R18 et autres Toyota TS030. D’ailleurs, son concepteur John Iley n’a-t-il pas prouvé sa valeur en menant la Scuderia Ferrari à deux titres en F1 alors qu'il occupait le poste d’aérodynamicien en chef ?
On en débat !
La question reste posée : ce prototype Allard incarnerait-il l’un des plus gros gâchis de l’histoire des 24 Heures du Mans ? Le débat est lancé sur facebook.com !
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Après avoir dessiné la Allard, John Iley a poursuivi sa carrière en F1 chez Jordan (1995-2001), Renault F1 (2002-2003), Ferrari (2004-2009), McLaren (2010-2011) et Caterham F1 (depuis 2012). On le voit ici (à gauche) avec Heikki Kovalainen à l’occasion du GP d’Abu Dhabi 2012. |
En 1998, la Toyota GT-One reprenait l’idée des passages de roues échancrés. Ce concept permet de réduire la largeur du bossage, sans réduire pour autant l'angle de braquage des roues. |
Julien HERGAULT
Photos : Goodwood Festival of Speed ; Caterham F1 Team ; Toyota Hybrid Racing