Paul Frère, le casque, la plume et le cheval cabré -  Pilote, ingénieur et journaliste de très haute réputation, Paul Frère a couru de 1953 à 1960 au Mans sous les couleurs de tous les constructeurs qui ont tenu le haut de l'affiche sarthoise pendant cette période : Porsche, Aston Martin, Jaguar et Ferrari (250 TR). A son volant, il s'impose en 1960, associé à Olivier Gendebien. Fidèle à la promesse faite à son épouse, il prend sa retraite de pilote sur cette victoire pour poursuivre sa carrière d'ingénieur (il oeuvra notamment à la mise au point de la future Porsche 911) et de journaliste. Dans son livre "My Life Full Of Cars", il livre une anecdote savoureuse à propos de sa collaboration avec Ferrari lors des 24 Heures du Mans 1960. Surpris par le pare-brise peu aérodynamique de sa 250 TR, il s'en ouvre à Enzo Ferrari, qui réplique par une des petites phrases tranchantes dont il avait le secret : "Vous savez, Frère, l'aérodynamique, c'est pour ceux qui ne savent pas faire de bons moteurs !"

Lorenzo Bandini et Ludovico Scarfiotti, le duo italien - En 1963, ils deviennent les seuls pilotes transalpins vainqueurs des 24 Heures au volant d'une Ferrari. En 1960, Scarfiotti est le premier des deux à découvrir la Sarthe. En huit participations, il ne fera qu'une seule infidélité au cheval cabré, en 1961 sur Maserati. Il s'impose à l'issue de son quatrième départ, sur une 250 P partagée avec Bandini. Ils prennent la tête à la 19e heure de course, après l'abandon de l'autre Ferrari de Willy Mairesse-John Surtees. Par la suite, Bandini et Scarfiotti signent chacun un podium au Mans, respectivement en 1964 (avec John Surtees) et 1967 (avec Michael Parkes). Ludovico Scarfiotti est aussi le dernier pilote italien à avoir remporté son Grand Prix de Formule 1 national au volant d'une Ferrari (1966). Lorenzo Bandini compte également une victoire en F1 (sur Ferrari bien sûr), au Grand Prix d'Autriche 1964.

Jean Guichet et Nino Vaccarella, les gentlemen - Le duo qui a signé l'avant-dernière victoire mancelle de Ferrari en 1964 représente la quintessence des gentlemen-drivers, ces pilotes qui partagent leur vie entre leurs activités professionnelles extra-automobiles et leur passion de la course. Respectivement propriétaire d'un chantier naval à Marseille et professeur de mathématiques dans un collège privé de Palerme (Sicile), Jean Guichet (treize participations aux 24 Heures) et Nino Vaccarella (onze participations) ont mené une superbe carrière entre circuits et routes. Outre leur victoire commune au Mans, ils ont également remporté deux grandes classiques routières : Guichet a gagné le Tour de France Automobile en 1963 (toujours avec Ferrari), tandis que Vaccarella compte trois victoires sur les routes siciliennes de la Targa Florio (1965 sur Ferrari, 1971 et 1975 sur Alfa Romeo).

Masten Gregory et Jochen Rindt, les derniers vainqueurs - En seize participations aux 24 Heures du Mans de 1955 à 1972, l'Américain Masten Gregory n'a terminé la course qu'à trois reprises. Quant à Jochen Rindt, il dispute en 1965 ses deuxièmes 24 Heures... et a d'ailleurs bien failli manquer cette édition, pour cause de différend contractuel entre son partenaire pétrolier et celui du NART, l'écurie de Luigi Chinetti. C'est ainsi que l'Autrichien n'arrive au Mans que le jeudi soir et n'effectue que quelques tours d'essais nocturnes au volant de la Ferrari 250 LM n°21. En course, alors qu'elle perd 25 minutes au stand pour un problème moteur, Gregory rattrape Rindt de justesse alors qu'il est sur le point de monter dans un taxi pour quitter le circuit des 24 Heures et le convainc de reprendre le volant. Le duo repart en 18e position et effectue une remontée à bride abattue pour prendre la tête de la course le dimanche en fin de matinée. Par la suite, Masten Gregory comptera par les fidèles du NART au Mans (six départs en tout, en 1964, 65, 66, 68, 71 et 72). Jochen Rindt dispute les 24 Heures à deux autres reprises (1966 et 67). Puis, après des premières années difficiles, sa carrière en Formule 1 décolle véritablement lorsqu'il rejoint Lotus en 1968, avec six victoires jusqu'à sa disparition, survenue sur le circuit de Monza le 5 septembre 1970, qui fera de lui le seul champion du monde à titre posthume.

Parmi ces treize pilotes en deux chapitres, deux d'entre eux sont encore parmi nous : Jean Guichet et Nino Vaccarella, les vainqueurs de 1964. Retrouvez les souvenirs du premier nommé dans le prochain chapitre de cette série.

Photo (D.R. / Archives ACO) - LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS, 15 & 16 JUIN 1963 - La Ferrari 250 P des vainqueurs Lorenzo Bandini et Ludovico Scarfiotti. Parmi les treize pilotes victorieux à la fois au Mans et en Formule 1 au volant d'une Ferrari, les deux Italiens côtoient Maurice Trintignant, José Froilan Gonzalez et Phil Hill.