Les Hunaudières : ils se souviennent...
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Les Hunaudières : ils se souviennent...

Les Hunaudières : ils se...

Nombre de pilotes rêvent d’une Ligne droite des Hunaudières sans ralentisseurs… Mais ceux qui l’ont connue dans cette configuration en parlent avec autant de soulagement que de nostalgie !

Moteurs de qualifications, carrosseries spéciales… Rien n’était trop beau pour apprivoiser ce long ruban de 5,8 km. Jusqu’en 1989, aucun ralentisseur ne contraignait les pilotes à soulager l’accélérateur entre les virages du Tertre Rouge et de Mulsanne. Pendant plus d’une minute, c’était : à fond, à fond, à fond !

A tout seigneur, tout honneur, la parole est donnée à Roger Dorchy qui détient le record de vitesse sur le Circuit du Mans. C'était en 1988, le Français filait à 405 km/h au volant de sa WM Peugeot : « Quand je suis rentré au stand pour passer le relais à mon coéquipier, j'ai vu toutes les télés et tous les journalistes qui m'attendaient. Je ne comprenais strictement rien à cette effervescence. On m'a alors informé que j'avais battu le record de vitesse dans les Hunaudières. On ne sait pas à quelle vitesse on roule en course. On sait simplement que l'on va vite. Quand on monte dans sa voiture, on fait confiance à l'aérodynamisme. Une fois dans le siège, on est là pour y aller, un point c'est tout. De toute façon, nous sommes dans un état second quand on pilote. Attention, on n’est pas pour autant des fous mais, avec les sensations, on oublie le danger. Si l'on a peur, ce n'est pas la peine de partir car on ne ferait qu'augmenter les risques. »

La même année, Andy Wallace remportait l’épreuve au volant d’une Jaguar XJR 9 : « J’étais jeune et je n’avais pas peur. J’étais fasciné par cette ligne droite. Le risque, c’était la crevaison que le pilote ne ressentait pas forcément. Alors les techniciens avaient installé quatre ampoules sur le tableau de bord et si l’une d’entre elles s’allumait, c’est qu’une roue était crevée. Alors je passais mon temps à surveiller ces foutus témoins lumineux !  Il fallait être fou ! Je trouve les chicanes bien dessinées. Elles cassent la vitesse, mais pas trop. »

Martin Brundle, qui fera son retour en juin prochain, pilotait lui aussi pour Jaguar cette année là : « A de telles vitesses, la prise de risques était inévitable, mais la sensation était unique. Nous n’avions pas vraiment le temps de nous détendre car il pouvait y avoir des débris, des voitures endommagées, ou des commissaires sur la piste. Les conditions météorologiques pouvaient changer soudainement, ou une crevaison pouvait intervenir. »

La crevaison tant redoutée, Jean-Claude Andruet en fit les frais à bord d’une WM en 1985 : « Ce jour là, un ange gardien a travaillé très fort pour moi. J’abordais la courbe des Hunaudières quand le pneu avant gauche a éclaté. J’ai tapé plusieurs fois dans le rail de sécurité et la voiture s’est élevée à plusieurs mètres de haut. Sortir de la route à cette vitesse-là, c’est comme conduire une bombe. Je me suis dit : "regarde idiot, tu veux conduire une voiture qui n’a plus de roues". Quand on sort d’un accident comme cela, on a l’impression d’être invulnérable. »

Invulnérable comme Henri Pescarolo qui, malgré son terrible accident de 1969 avec la Matra 640, reste un fervent défenseur des Hunaudières : « Cette ligne droite a fait la légende du Mans. Indianapolis et Le Mans étaient les seuls circuits au monde où les voitures fleuretaient avec les 400 km/h. Ça faisait rêver le public. Pour moi, l’ajout des chicanes fut une grande déception car elles n’apportent rien au pilotage ni à la sécurité... Sauf en cas de crevaison lente. Quand un tel incident survient, le pilote a maintenant deux chances de s’en rendre compte avant le déchapage brutal du pneu. »

Même génération, même opinion, pour le célèbre Jürgen Barth qui trouvait le temps de se reposer à plus de 350 km/h : « C’était très bien. C’était un endroit on l’on pouvait se relaxer, ce qui était vraiment nécessaire dans la mesure où nous n’étions que deux par équipage. »

Encore plus fort, l’Américain Bob Bondurant, qui pilotait une Corvette en 1967, met en avant l’aspect sécuritaire de la ligne droite : « Au départ, on traversait la piste en courant, et la stratégie consistait à s’élancer sans prendre le temps de mettre la ceinture de sécurité. La ligne droite servait à cela. La partie haute du harnais était accrochée au plafond avec de l’adhésif, et la partie basse était placée de part et d’autre du siège. Alors il fallait attacher tout cela, en prenant soin de maintenir le volant avec les genoux. Ça pouvait prendre cinq tours avant d’y arriver. Oui, la sécurité du pilote n’était qu’un concept dans les années 60 ! Nos GT filaient à près de 300 km/h, c’était terrifiant… »

D’autre, comme Jean Alesi, n’ont qu’un souvenir très mitigé de ce morceau de bravoure : « En 1989, je me suis retrouvé au volant d’une Porsche sur le circuit du Mans que je ne connaissais pas. Lors de mon premier passage dans la ligne droite, je me suis demandé si elle avait une fin. A chaque tour, en arrivant au Virage de Mulsanne je me disais : "Ça c’est fait". J'ai battu un record de vitesse en F1 avec 367 km/h. Mais la ligne droite de Monza est large, et l’impression de vitesse n’est pas comparable à celle que l’on ressent entre les arbres des Hunaudières. Je préfère le circuit moderne avec les chicanes qui donnent du rythme. »

Rob Dyson, qui reviendra cette année au Mans en qualité de directeur d’équipe, garde un souvenir ému de cette portion légendaire : « Je n’ai disputé qu’une fois les 24 Heures du Mans en 1986 au volant d’une Porsche 956. La ligne droite, c’était : soixante secondes passées à calculer son risque de mortalité… Et ça recommençait deux minutes trente plus tard ! Rouler à 360 km/h sur une route nationale fut une expérience… intéressante. Je suis très reconnaissant d’avoir eu la chance de le faire. J’ai eu plusieurs occasions de retourner au Mans, mais je les ai toutes laissées passer ! »

D’autres comme Stéphane Ortelli, vainqueur des 24 Heures du Mans en 1998, auraient préféré naître quelques années plus tôt : « J’aurais aimé cette ligne droite pour la pureté du circuit et aussi pour la sensation de vitesse qu’elle procurait. J’ai piloté une Porsche 917 au Mans Classic et j’ai regretté de ne pas pouvoir profiter des Hunaudières pour tester la vitesse de pointe ! »

La vitesse de pointe de la Porsche 917, Gérard Larrousse l’a testée en 1970 et 71. Il raconte comment se négociait la ligne droite : « A la sortie du Virage de tertre Rouge, on monte toutes les vitesses jusqu'en cinquième. La fausse courbe du début ne pose aucun problème, on la prend à fond en pleine accélération. Je passe la cinquième au niveau du restaurant des Hunaudières. La vitesse ne se stabilise à 370 km/h que dans le dernier kilomètre avant la fameuse courbe à droite. Une très légère bosse masque la courbe. La courbe des Hunaudières se prend à fond. Après avoir visé la tangente à droite, il ne faut pas se laisser glisser complètement à gauche car il peut y avoir du gravillon à l'extérieur. Au cours de sa mise en appui, la voiture s'est légèrement freinée d'elle-même. Une bosse suit la courbe, on l'aborde à fond et au moment où la suspension se détend, on soulage l'accélérateur pour ménager la transmission. Lorsque la voiture retombe et commence à se stabiliser, on est à 350 km/h environ. Il est alors temps de freiner pour le Virage de Mulsanne. »

La progression des vitesses atteintes dans la Ligne Droite des Hunaudières :
1961 - 280 km/h - Maserati
1963 - 302 km/h - Ferrari
1967 - 343 km/h - Ford
1971 - 362 km/h - Porsche
1983 - 371 km/h - Porsche
1988 - 405 km/h - WM

Julien Hergault

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