
Photo : Christian VIGNON - A.C.O. Nikon
Pilote de la Mercedes SLS GT3 n°96 aux 6 Heures de Zhuhai, Cong Fu Cheng avait été en 2008 le premier Chinois à disputer les 24 Heures du Mans. Retour sur cette participation historique, en compagnie de ses deux coéquipiers de l'époque, Matthieu Lahaye et Pierre Ragues, et leur patron Jacques Nicolet.
En 2008, Saulnier Racing n’avait pas encore été rebaptisée OAK Racing par son nouveau propriétaire Jacques Nicolet, et la Porsche RS Spyder exerçait une domination sans partage dans la catégorie LM P2. Mais la Pescarolo n°35 et ses pilotes Cong Fu Cheng, Matthieu Lahaye et Pierre Ragues sont tout de même entrés dans l’histoire des 24 Heures, grâce à leur troisième place en catégorie LM P2.
Comment Cong Fu Cheng vous a-t-il rejoint pour les 24 Heures 2008 ?
Jacques Nicolet : C’est nous qui l’avons contacté. Je voulais créer un lien entre l’Asie (et plus particulièrement la Chine) et l’équipe, avec si possible un événement autour de cela. Nous avons ainsi été la première équipe à faire rouler un Chinois aux 24 Heures du Mans, constitué l’équipage le plus jeune en moyenne d’âge (23 ans) de l’histoire de la course, et Cong Fu Cheng restera le premier Chinois à monter sur le podium des 24 Heures.
Quelles ont été vos premières impressions après les premiers tours de roue de Cong Fu Cheng sur le circuit des 24 Heures à l’issue de la Journée Test ?
Jacques Nicolet : Il s’est très vite adapté et intégré à l’équipe, alors qu’on m’avait prédit de grandes difficultés, car les pilotes chinois n’avaient pas très bonne réputation à l’époque.
Pierre Ragues : J’ai été très surpris et heureux de son adaptation au circuit. Il n’avait jamais roulé dans la voiture avant la Journée Test. Nous avions eu très peu de temps pour faire connaissance, car il était arrivé par avion à l’aérodrome du Mans en provenance de Pau, où il participait à la course de Formule 3 Euroseries. Une fois ses dix tours réglementaires effectués, il est reparti directement pour Pau.
Comment avez-vous travaillé avec lui pour la découverte du circuit pendant les essais libres et les qualifications, et qu’en a-t-il été de son adaptation au pilotage de nuit ?
Pierre Ragues : Pendant la semaine des 24 heures, nous avons pris le temps de lui expliquer le fonctionnement de la voiture et quelques-unes des subtilités du circuit avec des vitesses importantes, sans oublier les virages « chauds » comme le gauche du Karting.
Matthieu Lahaye : Notre rôle était de le mettre en confiance pour qu’il puisse apprendre la voiture et le circuit le plus rapidement possible. Mais tout était nouveau pour tout le monde : nous avions pris livraison de la voiture tard cette année-là, et l’équipe ne la connaissait pas bien. Nous abordions Le Mans avec beaucoup d’humilité et notre but à tous était d’engranger de l’expérience. L’adaptation de Cheng à la voiture et aux spécificités du circuit, comme la nuit, a été rapide et malgré la différence de culture, il s’est très bien intégré à l’équipe.
Comment se sont passés ses relais en course ?
Matthieu Lahaye : Après la semaine et les essais, Cheng était prêt ! Il avait une bonne pointe de vitesse et était très à l’aise dans la voiture. Il a même surpris une partie du paddock en alignant au petit matin sous la pluie les mêmes chronos que Jos Verstappen et sa Porsche RS Spyder, qui allaient remporter la catégorie LM P2.
Pierre Ragues : Je me souviens qu’il s’est mis à pleuvoir en plein milieu d’un se ses relais. Il a fallu que Cheng découvre la nuit sous la pluie ! Il n’a fait qu’un relais sous la pluie de nuit car nous préférions qu’il roule de jour vu son manque d’expérience dans ces conditions. Mais il a parfaitement tenu son rang.
Jacques Nicolet : Il a été rapide, constant, et n’a commis aucune faute.
Comment Cong Fu Cheng a-t-il vécu cette troisième place finale des LM P2 et le podium à vos côtés ?
Pierre Ragues : Comme Matthieu et moi, il a été impressionné par le monde au pied du podium, et aussi par la Parade des Pilotes la veille de la course. Un couple de Chinois avait couru de l’autre côté des barrières derrière la voiture pendant une grande partie de la parade pour avoir un autographe !
Matthieu Lahaye : Nous étions émus, pas grand monde nous attendait à cette place ! Malgré notre manque d’expérience, nous avons réussi un super résultat. Mais on a pu se rendre compte que Cheng a su s’adapter facilement dans toutes les catégories où il a couru par la suite.
La troisième place des LM P2 avait-elle tout de même un petit goût de victoire, compte tenu de la domination des Porsche RS Spyder dans la catégorie en 2008 ?
Jacques Nicolet : Effectivement, cela a été vécu à l’époque comme une vraie victoire, et le meilleur résultat auquel nous pouvions prétendre. Cette troisième place a été un véritable encouragement, totalement mérité sur le plan sportif, qui a fait énormément de bien à l’équipe. De plus, engager le premier pilote chinois aux 24 Heures du Mans a eu quelques retombées médiatiques, Cheng avait eu ainsi plusieurs pages dans Sport Auto. Je pense que ce serait beaucoup plus flagrant aujourd’hui et je suis convaincu que la création du Championnat du Monde me donne raison d’avoir eu cette idée.
Pour les 6 Heures de Zhuhai, Matthieu Lahaye et Pierre Ragues sont les coéquipiers de Guillaume Moreau sur la OAK-Pescarolo n°15 de OAK Racing, qui engage également un deuxième prototype en LM P1 (Jacques Nicolet/Alexandre Prémat/Olvier Pla, n°24) ainsi qu'une LM P2 (Frédéric da Rocha/Patrice Lafargue, n°35). Quant à Cong Fu Cheng (qui n’est jamais revenu en Sarthe depuis 2008), il partagera le volant de la Mercedes SLS GT3 avec l'ancien double Champion du Monde de Formule 1 Mika Häkkinen et Lance David Arnold (n°96). Les 6 Heures de Zhuhai auront lieu le dimanche 13 novembre. Cliquez ici pour en savoir plus sur cette dernière course de l’Intercontintal Le Mans Cup 2011.
Jean-Philippe Doret
Photo : CIRCUIT DES 24 HEURES (LE MANS), 24 HEURES DU MANS, COURSE, 14 & 15 JUIN 2008. Troisièmes de la catégorie LM P2, Cong Fu Cheng, Matthieu Lahaye et Pierre Ragues s'adjugent également la 18e place du classement général.