Qui était Mike Hawthorn, celui qui n’avait pas le destin de son côté ?
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Qui était Mike Hawthorn, celui qui n’avait pas le destin de son côté ?

La vie de Mike Hawthorn pourrait être l’objet d’un film, sans doute de ceux qui laissent pensifs en sortant de la salle. Un championnat du monde de Formule 1 et une victoire aux 24 Heures du Mans en attestent ; il était un très grand pilote, l’un des plus atypiques, aussi. Retour sur un palmarès, mais surtout, une existence hors du commun.

La course dans le sang

Né dans le nord de l’Angleterre en 1929, sa vie débute plutôt bien. Mike Hawthorn est issu d’une bonne famille, et il est relativement doué à l’école. Il est admis dans une très bonne université payante, notamment grâce aux ressources de son père Leslie, un ancien pilote de moto. Ce dernier est propriétaire d’une concession haut de gamme, le fameux Tourist Trophy Garage situé non loin du circuit de Brooklands. Cette proximité avec le monde de la course et la passion de son paternel imprègnent le jeune esprit de Mike. À 21 ans, c’est décidé ; il se lance à l’assaut des pistes.

Lui et ses Riley se font un nom au niveau régional puis national en 1950 et 1951. En 1952, il décide, toujours supporté financièrement par son père, de se tourner vers la monoplace en achetant une Cooper-Bristol de Formule 2 ; c’est l’explosion. Lors du Grand Prix de Grande-Bretagne, il tient la dragée haute aux meilleurs pilotes de Formule 1. Enzo Ferrari, jamais très loin, le signe pour la saison 1953.

Ici à Monza en 1953, à droite de la photo, aux côtés d'Enzo Ferrari, l'homme au chapeau. Hawthorn était bien apprécié du Commendatore.
Ici à Monza en 1953, à droite de la photo, aux côtés d'Enzo Ferrari, l'homme au chapeau. Hawthorn était bien apprécié du Commendatore.

Plongé dans le grand bain

En quelques années seulement, Mike Hawthorn s’est assis à la table des as. Grand, beau, blond, assez charismatique et anglais ; le combo parfait. L’année commence relativement bien ; le Britannique n’est pas ridicule à côté des légendes Alberto Ascari et Nino Farina, deux champions du monde. Il commendatore Enzo Ferrari le sélectionne pour participer aux 24 Heures du Mans, à bord d’une magnifique 340 MM.

Rapidement, son expérience tourne au fiasco. Dans la deuxième heure, Hawthorn, alors à bord, passe par la voie des stands. Un mécanicien remarque que son niveau de liquide de frein est plus bas que la normale, et décide de combler le manque. Erreur. Aucun remplissage de ce type n’est autorisé avant le 28e tour, ce qui provoque la disqualification de la voiture.

Cela ne décourage pas Mike Hawthorn. Un mois plus tard, lors du Grand Prix de France à Reims, il réalise sa plus grande performance en carrière. Dans une bataille acharnée contre des mythes de la Formule 1, le Britannique se démène. Il fait face, dans le dernier tour, à Juan Manuel Fangio en personne, mais ne se démonte pas. Au bout du suspense, il bat l’Argentin pour moins d’une seconde. Les deux héros sont acclamés par la foule et les journalistes - après 500 km de lutte, qui ne tardent pas à surnommer ce spectacle « la course du siècle ». Il parait promis à un avenir radieux, mais le sort lui réserve bien des épreuves. Avec son air aristocrate, il incarne parfaitement le pilote des années 1950, rapide et distingué. À l’époque, les Britanniques ne sont pas rares sur les grilles, mais il n’y a pas deux Mike Hawthorn. Il est connu et reconnu pour ses prouesses au volant, notamment ses réactions rapides qui collent à son style excentrique.

Mike Hawthorn était reconnaissable à son allure, d'une part, mais aussi et surtout à son accoutrement : veste verte, chemise blanche, et nœud papillon en piste. Ici en train de signer des autographes aux 24 Heures du Mans 1955.
Mike Hawthorn était reconnaissable à son allure, d'une part, mais aussi et surtout à son accoutrement : veste verte, chemise blanche, et nœud papillon en piste. Ici en train de signer des autographes aux 24 Heures du Mans 1955.

Années noires

De retour en F1 pour la saison 1954, il subit un grave accident sur le Grand Prix de Syracuse en Sicile. Partiellement brûlé, il échappe au service militaire, non sans créer le débat au Royaume-Uni. Cette fois, il ne dispute pas les 24 Heures du Mans, mais pour une raison bien particulière. Son père Leslie vient de périr dans un accident de la route. Mike Hawthorn, dévasté, est contraint de retourner au pays pour reprendre son affaire. Toutes ces péripéties ne l’empêchent pas de revenir pour la deuxième partie de saison, et même, de s’imposer à l’occasion du Grand Prix d’Espagne. Ce succès suivait quelques podiums, qui lui permettent de s’accrocher à la troisième place du classement général.

Pourtant, son idylle au sein de la Scuderia Ferrari s’arrête le temps de quelques courses début 1955. Afin de se rapprocher de son business, il préfère des équipes anglaises. Jaguar pour les sports prototypes, et Vanwall pour la F1. Jaguar, justement, était très à l’aise au Mans depuis quelques années, et s’était même imposé en 1951 comme en 1953. Il a une bonne chance de gagner, même face aux terribles Mercedes de Fangio, Moss et compagnie.

Accompagné d’Ivor Bueb sur la Type D, ils démarrent fort, jusqu’à 18 heures. Un tragique accident se produit, alors que Mike Hawthorn est encore dans la voiture. Lui n’est pas touché, mais est rapidement considéré comme l’un des responsables, même si l’enquête officielle l’innocentera plus tard. La bataille reste acharnée, mais Mercedes-Benz se retire de la course peu avant minuit. Jaguar ne fait pas de même, et se dirige ainsi vers un doublé facile. Mike Hawthorn passe la ligne en vainqueur, en établissant un nouveau record de la distance. Un triomphe au goût amer.

Pas la plus joyeuse des victoires. Ici avec Ivor Bueb à l'arrivée, un autre Britannique très doué, qui a malheureusement trouvé la mort à Charade en 1959.
Pas la plus joyeuse des victoires. Ici avec Ivor Bueb à l'arrivée, un autre Britannique très doué, qui a malheureusement trouvé la mort à Charade en 1959.

Le coup de fil d’une vieille connaissance

Cette période sombre a tout changé, même si son sourire ne le quitte pas. Hawthorn revient avec Ferrari pour la fin de saison 1955, puis repart chez BRM, Maserati et Vanwall. Il n’est plus aussi rapide, plus aussi présent. Cependant, il est au départ des 24 Heures 1956 sur Jaguar Type D à injection, et encore avec Ivor Bueb. Le duo est plus fort que jamais, Hawthorn reprend des couleurs. Il réalise le meilleur temps des essais, et même, se filme pour un tour embarqué devenu mythique :

Dès le départ, plusieurs favoris sont éliminés à tour de rôle. C’est une véritable hécatombe parmi les constructeurs, et le Britannique, au volant, n’y échappe pas. Un problème moteur l’empêche d’asseoir sa place en tête. Il passe par la voie des stands, et les mécaniciens Jaguar s’adonnent, pendant une heure, à la réparation du prototype. Avec 21 tours de perdus, c’est la victoire qui s’échappe. Hawthorn donne tout, réalise, une fois de plus, le meilleur tour en course, mais coupe la ligne en sixième position. Un tel résultat lui offre la troisième place en catégorie Sport 5.0 l, mieux que rien.

  • Au Mans, Mike Hawthorn a livré parmi ses meilleures prestations en carrière. À le voir évoluer, ça ne faisait aucun doute : il était l'un des meilleurs du monde.
  • La magnifique Jaguar Type D FI frappée du #1, n'a pas été chercher le doublé. Elle n'en reste pas moins un modèle emblématique de l'histoire des 24 Heures du Mans.
  • Au Mans, Mike Hawthorn a livré parmi ses meilleures prestations en carrière. À le voir évoluer, ça ne faisait aucun doute : il était l'un des meilleurs du monde.
  • La magnifique Jaguar Type D FI frappée du #1, n'a pas été chercher le doublé. Elle n'en reste pas moins un modèle emblématique de l'histoire des 24 Heures du Mans.
  • Au Mans, Mike Hawthorn a livré parmi ses meilleures prestations en carrière. À le voir évoluer, ça ne faisait aucun doute : il était l'un des meilleurs du monde.
  • La magnifique Jaguar Type D FI frappée du #1, n'a pas été chercher le doublé. Elle n'en reste pas moins un modèle emblématique de l'histoire des 24 Heures du Mans.
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Au Mans, Mike Hawthorn a livré parmi ses meilleures prestations en carrière. À le voir évoluer, ça ne faisait aucun doute : il était l'un des meilleurs du monde.

De nouveau blessé sur Jaguar en fin de saison, rien ne va plus. Jusqu’à ce qu’un certain Enzo Ferrari le recontacte pour 1957. De retour à Maranello, Hawthorn se prend d’amitié pour son compatriote Peter Collins, pilote en rouge depuis l’année précédente. Toujours armé de son nœud papillon, il est plus mature, plus serein au volant et retrouve de la vitesse. Comme en 1953, il remet le couvert en Sarthe avec l’armada Ferrari, dotée des 335 S. Encore une fois, Hawthorn éblouit le public manceau de sa maestria. Une vitesse foudroyante le propulse rapidement en tête, mais un arrêt plus long que prévu le relègue en cinquième position. Sa course prend fin lorsque son coéquipier – et rival en F1 – Luigi Musso casse le moteur de l’Italienne dans les Hunaudières peu avant le début de soirée.

La saison de Formule 1 se poursuit sans succès. Collins et Hawthorn sont inséparables, jusqu’à se partager les primes à la fin des Grands Prix. Les deux n’apprécient guère Musso, qui représente une autre menace importante pour le championnat. Hawthorn échoue en quatrième position au classement général, et remet le couvert pour 1958.

Le sourire s’efface

L’exercice commence bien, il est très régulier. Son principal adversaire n’est autre que Sir Stirling Moss, sur Vanwall. À mi-saison, il est encore en lice pour être titré, mais n’est toujours pas favori. La Scuderia l’aligne encore au départ de la classique mancelle, cette fois, aux côtés de son grand copain Peter Collins. Un rêve devenu réalité. L’entame laisse place à un duel de géants. Moss sur Aston Martin contre Hawthorn sur Ferrari, comme en Formule 1. Stirling Moss soutient un rythme dingue, que seul le grand talent du « papillon » peut contenir. Les voitures ne peuvent subir les prouesses de leurs géniaux conducteurs ; une bielle cassée met fin à l’aventure de l’Aston, et un embrayage récalcitrant ralentit le duo d’amis sur la 250 Testa Rossa, jusqu’à leur abandon pour cette même raison à 2 heures du matin.

" Le public n’arrivait pas à croire que nous étions amis au vu de nos actions en piste "
Sir Stirling Moss
Les 24 Heures 1958 ont été marquées par la pluie, qui s'est abattue pendant 15 heures sur le circuit ! Cela n'a pas découragé les nombreux fans venus assister à une bataille de géants entre Ferrari, Aston Martin, Porsche, et Jaguar.
Les 24 Heures 1958 ont été marquées par la pluie, qui s'est abattue pendant 15 heures sur le circuit ! Cela n'a pas découragé les nombreux fans venus assister à une bataille de géants entre Ferrari, Aston Martin, Porsche, et Jaguar.

Le couteau entre les dents, Hawthorn repart bille en tête pour la fin de saison en F1. Sur le circuit de Reims, il se dirige vers une victoire exceptionnelle, dans une course marquée par la mort d’un grand homme ; son collègue Luigi Musso. Alors qu’il s’apprête à prendre un tour à un Juan Manuel Fangio en perdition, Hawthorn n’accélère plus, par respect, pour le voir évoluer une dernière fois avant sa retraite.

Stirling Moss est plus rapide, mais l’officiel Ferrari, bien plus constant. Le destin ne lui offre pas la joie si facilement. Lors du Grand Prix d’Allemagne, Peter Collins décède à son tour ; la raison de la présence de Mike Hawthorn dans ce championnat mortel est partie. Au Portugal, le gentleman Moss milite pour la non-disqualification de son rival, le laissant ainsi vivant dans la course au titre. Finalement, pour un point seulement et grâce à une place rendue par Phil Hill au Maroc, Hawthorn est sacré champion du monde 1958. Il devient le premier Britannique à réaliser cet exploit.

"Mike était passionnant. Il n’y a pas beaucoup de pilotes passionnants"
Sir Stirling Moss

Étoile filante

Au soir de son sacre, il annonce sa retraite. Lassé de cet environnement, il s’en va écrire des livres pour enfants sur le thème de la course. Depuis longtemps, il souffre, physiquement. Les médecins ne lui prédisent pas plus de trois ans de vie après un diagnostic d’une maladie rénale. Le 22 janvier 1959, soit trois mois seulement après son annonce fracassante, Mike Hawthorn trouve la mort dans un accident de voiture au sud-ouest de Londres. Si les circonstances exactes restent inconnues, il était vraisemblablement en train de faire la course avec Rob Walker, propriétaire d’une équipe de Formule 1.

Mike Hawthorn n’est pas resté longtemps sur terre – à peine 29 ans – mais y a laissé une empreinte indélébile. Il a vu la mort sous tous les angles, et la rejoint, inexorablement, de tout son être. Comme si les aventures qu’il a traversées incarnaient des signaux implacables. La légende de Hawthorn, elle, n’a pas disparu le moins du monde.

"La question : « pourquoi as-tu arrêté ? » est bien plus belle que : « pourquoi n’as-tu pas arrêté ? »"
Mike Hawthorn

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