Au Mans, au Technoparc attenant au circuit comme au complexe de karting, les locaux de la FFSA Academy résonnent des discussions, des échanges entre 27 jeunes filles, âgées de 13 à 18 ans, venant de neuf nations différentes. Elles font partie du programme de détection ''The Girls on track'', de la commission Women in Motorsport de la FIA. Au menu de cette finale européenne karting, les candidates profitent d'ateliers, disputent des courses, mais font aussi des rencontres, comme celle-ci avec Tatiana Calderon, pilote d'essais F1 pour Alfa Romeo Racing, egagée cette saison en F2 avec BWT Arden. La Colombienne qui fête ses 26 ans ce 10 mars, partage son expérience avec ces jeunes amatrices de sport automobile.
"Du jour où je suis montée dans un karting, pour suivre ma soeur, j'ai su que c'était ce que je voulais faire. J'ai eu comme un déclic. Pourtant je pratiquais d'autres sports comme le foot, l'équitation, le tennis, mais j'avais trouvé ce qui me convenait. Aujourd'hui, quand je vois les visages, les sourires de ces jeunes filles pour cette finale européenne de ''The Girls on track'', je me dis que cette initiative, lancée il y a un an à Genève lors de la Journée Internationale des droits de la femme, est bénéfique. En effet, très souvent, les filles n'osent encore pas se lancer, il faut casser cette perception qui voudrait que le sport automobile, se battre en piste, ce n'est pas à destination des filles. Cette détection et le programme d'entrainement qui est à la clef de cette finale est une vraie opportunité. J'ai eu la chance d'avoir le soutien de mes parents, mais j'avoue que j'ai encore du mal à réaliser ce qu'il m'arrive. Mon père était fan de sport automobile mais il ne pratiquait pas, et il s'est retrouvé avec deux filles en karting, ma soeur Paula et moi, qui étions rivales en piste. Je me souviens d'une course où nous étions toutes les deux en lutte pour la première place, côte à côte à nous regarder....et le 3e derrière, parce qu'on se regardait trop, est passé devant" rigole Tatiana, accompagnée de sa soeur aînée Paula, au Mans. Craignait-elle de se perdre ? certainement pas puisqu'elle a porté en GP3 les couleurs de DAMS qui a ses structures près du circuit. "Je connais bien, on venait souvent au circuit, qui est d'ailleurs très impressionnant et une référence. Courir les 24 Heures du Mans intègre bien évidemment le haut de ma liste de choses à accomplir en sport automobile" explique Tatiana, qui est venue avec sa soeur Paula, car elle est sa manager. "Quand j'ai commencé la compétition il a fallu faire des choix, m'engager aux Etats Unis puis en Europe, quitter mon pays. Le fait d'être une femme peut aider pour l'intérêt que l'on vous porte initialement mais après tout reste à faire. Comme les pilotes garçons, nous voulons avoir les mêmes résultats, gagner, mais nous avons un style parfois différent pour certaines choses, une utilisation particulière, et ça il faut que certains inégenieurs s'en rendent compte. Un garçon va procéder ainsi, une fille non, car par exemple, elle n'a pas la même resistance physique donc elle trouvera une autre astuce. Je donnerai mon maximum en tout cas pour réussir. Je veux y arriver, je veux atteindre mon objectif. Mon parcours n'a pas été facile pour arriver aujourd'hui où je suis mais ce qui m'attend ne le sera pas non plus. Je ne dirai pas que je suis fatiguée, car sinon certains peuvent penser encore ainsi: c'est normal c'est une fille." glisse-t-elle en clin d'oeil.
En 2019, outre son programme en F2, Tatiana Calderon va poursuivre son rôle en F1 auprès d'Alfa Romeo Racing et de Fred Vasseur. Elle n'est pas peu fière d'avoir convaincu le Français, patron de l'équipe, connu pour son exigence et qui se trouve avoir découvert ou en tout cas donné leur chance à des pilotes comme Nico Rosberg, Lewis Hamilton, Nico Hülkenberg, entre autres...
Photo: Mickael Choplin ACO