Derrière les cinq véhicules de compétition et d’exception exposés dans le Village Hydrogène du circuit des 24 Heures, œuvrent autant d’équipes d’ingénieurs et de designers qui ouvrent la voie de la transition énergétique de la mobilité. Ces précurseurs étaient invités cet après-midi par Pierre Fillon, président de l’Automobile Club de l’Ouest, à présenter ensemble leurs projets au public et à la presse, puis à échanger entre eux en faisant partager leurs conversations à l’assistance présente.
Ce véritable forum de la matière grise H2 rassemblait ainsi un échantillon de l’élite mondiale des équipes de recherche et développement de la propulsion H2 à destination de la compétition. « Jamais autant véhicules de compétition et d’exception à propulsion hydrogène n’ont été réunis sur un même plateau. », s’est félicité Pierre Fillon en lançant les échanges, « Quand en 2018 nous avons décidé avec MissionH24 de nous lancer dans la préparation d’une catégorie dédiée aux véhicules à propulsion hydrogène aux 24 Heures du Mans, nous étions des précurseurs. Vous êtes devenus, avec nous, les pionniers de la nouvelle mobilité. Vous n’avez pas tous fait les mêmes choix technologiques, mais ce n’est pas à nous de vous dicter de quelle manière vous devez cheminer. Cinq ans après nos premiers tours de roues, votre présence indique que nous avons eu raison d’ouvrir cette voie de l’hydrogène. Ce qui est d’ores et déjà accompli montre que la transition énergétique de la mobilité par l’hydrogène, dont la compétition est l’avant-garde, est une réalité tangible. ».
A tout précurseur, tout honneur, les ingénieurs de MissionH24, programme en participation entre l’Automobile Club de l’Ouest et GreenGT, ont été les premiers à prendre la parole pour présenter la LMPH2G, premier prototype mis en piste par l’équipe en 2018, et son programme pionnier. « Notre mission est d’explorer, d’ouvrir la voie. De préparer les règlements Technique, Sportif et de Sécurité, afin que cette nouvelle catégorie voie le jour. C’est une tâche essentielle, capitale, sans laquelle rien ne serait possible », résumait Bernard Niclot, responsable du département « Innovation » de MissionH24. « Chaque tour de circuit est pour nous une conquête dans l’inconnu. Nous sommes des explorateurs. Gagner en performance, gagner de l’autonomie, ravitailler plus vite, mieux gérer notre énergie, nous travaillons dans tous les domaines de la performance pour que, demain, un prototype à propulsion hydrogène puisse se battre pour la victoire au Mans », expliquait à l’auditoire Antoine Onillon, ingénieur responsable exploitation Power Unit et système embarqués de H24Racing, écurie qui exploite en compétition et en démonstration les prototypes du programme MissionH24.
Tomoya Takahashi, président de Toyota Gazoo Racing, la structure de compétition du constructeur japonais, dont le concept de voiture de course H2, la GR H2 Racing Concept, conçue pour être équipée d’un moteur à combustion interne à hydrogène couplé à un système hybride, a été dévoilé ce matin dans le Village Hydrogène, insistait sur l’importance du programme MissionH24 pour le premier constructeur mondial : « Toyota est très soucieux de la transition énergétique des mobilités, individuelles et collectives. La compétition, qui est la plus ultime expression de la quête technologique, du dépassement de soi, nous montre la voie. Votre programme MissionH24 supporte nos réflexions et notre concept-car est un jalon ajouté à cette construction mutuelle d’une mobilité plus responsable, dont les 24 Heures du Mans sont une étape ».
Chez Alpine, la technologie hydrogène va de pair avec l’Alpenglow dont le dessin futuriste attire tous les regards. Marc Poulain, son chef de projet design, et Pierre-Jean Tardy, l’Ingénieur en Chef des projets hydrogène chez Alpine Racing, racontent d’une seule voix comment, dès la genèse, la propulsion hydrogène a été présente dans l’inspiration des créateurs du Bureau de Style Alpine que dirige Antony Villain : « Nous avons pensé cette étude de style en y intégrant les contraintes de la technologie hydrogène, en particulier les réservoirs. La voiture qui en sera dérivée, équipée d’un moteur à combustion interne à hydrogène actuellement en développement chez nous, pourra ainsi être très proche de ce showcar. Elle roulera d’ici fin 2023 ».
Du projet à la piste, du banc d’essais au châssis roulant, sans perdre de temps, c’est également la philosophie de Solution F (groupe GCK) avec la Foenix H2, et de Ligier Automotive avec la JS2 RH2 conçue à travers un partenariat avec Bosch Engineering. Les deux constructeurs français de véhicules de compétition ont accompli une prouesse : réussir en quelques mois à lancer les programmes de développement de véhicules de compétition propulsés par des moteurs à combustion interne alimentés à l’hydrogène, et mettre à la piste leurs voitures pour en commencer le développement. Pour aller plus vite, les deux sociétés ont choisi de développer leur technologie de moteur thermique à hydrogène sur la base de blocs moteurs existants.
Chez Solution F, c’est le V8 Chevrolet LT4 qui est la base de développement. Felix Piffaut, le motoriste du projet, explique les choix et leurs contraintes avec simplicité : « Nous voulions un bloc de base qui soit capable d’accepter les contraintes thermiques et mécaniques induites par la combustion de l’hydrogène. Le V8 Chevrolet, qui accepte des développements de puissance très importants, était idéal -d’autant que nous avions une bonne connaissance de ce moteur que nous avions utilisé dans une version antérieure. Nous avons trouvé ensuite les solutions appropriées en matière de gestion électronique, avec Bosch, et d’injection, avec Borg Warner. Le passage du banc d’essais au châssis roulant s’est fait assez rapidement ». « L’hydrogène, du fait de la taille très réduite de sa molécule, nous a amené à adopter des solutions différentes de celles adoptées sur un moteur conventionnel, en particulier à n’avoir que des surfaces de contact métal-métal », complète Stéphane Zinola, responsable de projet moteurs thermiques hydrogène, « L’implantation des réservoirs dans le châssis, et l’alimentation en hydrogène imposent également des contraintes différentes. Mais rien qui ne soit pas techniquement gérable ».
Ligier Automotive a abordé la question avec un géant mondial de la technologie automobile : Bosch Engineering. Son président, Johannes-Jörg Rüger, décrit avec pragmatisme ce nouveau challenge technologique, relevé grâce au partenariat signé avec les Français : « Nous avons trouvé en Ligier Automotive le partenaire idéal pour nous confronter à la technologie thermique hydrogène grandeur nature, dans une voiture de course. Nos ingénieurs ont les mêmes compréhensions du challenge technologique et nous les avons résolus de manière rapide ». Richard Tur, Directeur Général de Ligier Automotive, se félicite des résultats obtenus. « Nous avons déjà atteint le niveau de puissance du moteur à énergie fossile qui équipe la version conventionnelle de notre GT. Nous avons maîtrisé les contraintes, et allons pouvoir mettre très rapidement cette voiture et son groupe motopropulseur à disposition de clients attiré par une GT de course à propulsion thermique hydrogène ».
Cinq prototypes de compétition et d’exception, autant d’équipes d’ingénieurs ; à la suite de l’impulsion données par MissionH24, l’hydrogène trouve sa voie en compétition…